Expérience de Dieu et l'illusion spirituelle (par Métropolite Antoine de Souroge)

EXPERIENCE DE DIEU : N’est-ce parfois pas une illusion ?

 

Métropolite Antoine : De toute évidence, le fait que nous pensons avoir une "expérience" ne prouve pas son authenticité : l’ange des ténèbres peut nous apparaître un ange de lumière, les vies de saints sont pleines de ces glissements, de ces erreurs. Il existe un certain nombre de critères qui peuvent nous permettre d'espérer que c'est de Dieu que vient cette expérience ou de soupçonner que cette expérience est entachée d'obscurité.


Il y a des marques permanentes du fait que Dieu est intervenu dans notre vie et il y a un critère ecclésial. Il y a probablement aussi d'autres choses. Les critères auxquels je pense ont été donnes par saint Séraphim de Sarov en deux endroits différents et je les regroupe artificiellement. Il nous dit que lorsque l’Esprit de Dieu a agi en nous, que c'est Dieu qui est intervenu, les faits suivants peuvent être observés : la paix intérieure, mais une paix vibrante de vie, la joie, mais une joie marquée de sérénité, une illumination de notre entendement, une chaleur du cœur — et de toute évidence je ne parle pas du cœur physique, l'oubli de soi, un sens profond d'humilité, le sens de notre prochain comme étant notre maître (souvenez-vous de la parole du Seigneur : "Je suis au milieu de vous comme un serviteur). Voilà un certain nombre de caractères qui marquent le passage, la présence, l’action de Dieu.


Les puissances des ténèbres — saint Séraphim nous dit : "Dieu est de feu, le démon est de glace" — apportent : un obscurcissement de la pensée, froideur de cœur, inquiétude et incertitude intérieure, l’extinction de la foi, l’affirmation de soi, le rejet à la périphérie de notre prochain, l’orgueil. Voilà un ensemble de critères. Evidemment tous ne se trouvent pas toujours réunis avec la même intensité, mais je pense que nous avons fait l’expérience de ces états où la paix descend sur nous, où nous avons l’impression qu'une lumière sereine nous remplit, où nous éprouvons une chaleur au cœur. Les disciples d'Emmaüs ne disaient-ils pas : "Notre cœur n'était-il pas brûlant en nous, alors qu'il nous parlait sur la route ?" Et surtout ce sens d'une révérence très profonde, d'un respect religieux pour notre prochain, du désir de le servir, d'être le dernier dans la lignée des hommes.


II y a, deuxièmement, des marques définitives, durables tout au moins, de ce que la main de Dieu s'est posée sur un homme : ce sont les dons de l’Esprit dont parle saint Paul. II y a enfin, un dernier critère qu'il faut souligner : le fait qu'une expérience authentique de Dieu et du monde spirituel est toujours en harmonie avec l’expérience de l’Eglise. Une expérience intérieure qui nous oppose à l’expérience de l’Eglise, quelles que soient la luminosité apparente et l’élévation de nos pensées, quelle que soit l’ardeur qui brûle en nous lorsqu'elle se présente, cette expérience est pour le moins douteuse. Le Dieu un, s'adressant en fin de compte à l’Adam total, au Totus Christus en devenir, nous donne toujours une expérience qui est aussi celle des autres. C'est la raison pour laquelle, dans l’Eglise orthodoxe nous n'opposons jamais l’expérience mystique et les déclarations dogmatiques. Si une expérience individuelle ne peut trouver sa place dans l’experience de l’Eglise, elle est pour le moins douteuse. Quand je dis cela, je ne veux pas dire du tout que le critère de l’authenticité de l’expérience est un "nihil obstat" ou un "imprimatur". Je ne veux pas dire du tout que le critère est un collège institutionnel. Le critère ne peut pas être cela, mais l’expérience totale de l’Eglise où s'inscrit l’expérience de chacun de ses membres. Il ne peut pas y avoir une expérience d'un membre vivant de l’Eglise qui soit en dysharmonie avec le lieu de la présence du Saint-Esprit qui est le Corps du Christ.


Ce que nous croyons être une expérience de Dieu peut être une illusion, mais il y a toute une recherche à faire ensemble : l’illusion peut être écartée par la correction fraternelle, par la confrontation avec l’expérience totale et surtout par les fruits de l’Esprit.

 

 (Extrait des archives du Métropolite Antoine de Souroge: http://masarchive.org/Sites/Site/French.html)

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