Condition pecheresse et la Dormition de la Vierge Marie

LA CONDITION PECHERESSE ET DECHUE EST CONTRE-NATURE

Condition pécheresse

"Nous devons présenter le péché originel aux hommes de ce temps non point comme un acte, mais comme un état pathologique: nous n'avons pas été créés pour être tels que nous le devenons par l'usage que nous faisons de notre liberté, c'est-à-dire de l'image de Dieu qui est en nous. C'est pourquoi, le baptême est conféré même aux enfants en deçà de l'âge de raison. En plusieurs endroits de l'Office des funérailles d'un enfant, l'Eglise parle des petits enfants qui n'ont rien fait de mal, de la beauté de leur pureté. Et pourtant, même pour eux, la rémission des péchés est nécessaire, c'est-à-dire la délivrance du péché originel. De là les exorcismes, que l'Eglise orthodoxe continue à pratiquer dans la première partie du baptême, celle dite du catéchuménat. Cela ne signifie pas que l'on impute la faute des ancêtres à leurs descendants, ni que l'être humain naîtrait dans une condition indue de péché par le fait que Dieu priverait l'homme de la grâce surnaturelle. 

Il y a dans l'humanité telle que nous l'expérimentons, un principe étranger à sa nature véritable, qui est le péché. La condition pécheresse et déchue est contre-nature, elle ne correspond pas à l'être authentique de l'homme. Le dessein éternel de Dieu sur l'homme est que celui-ci soit, écrit Boulgakov (2), empli de grâce par nature. L'homme a été créé par Dieu pour être réceptacle du saint Esprit. (3) La finalité de la création de l'homme par Dieu, c'est sa divinisation. Et celle-ci n'est pas une action que Dieu exercerait sur l'homme, mais en l'homme, de l'intérieur même de l'homme. Boulgakov parle de notre participation personnelle au péché originel pour autant qu'il est un fait de notre liberté, et non pas seulement une nécessité. Il dit encore que le péché originel est, en chaque homme, le péché de la liberté de l’homme contre sa nature, une détermination métaphysique fautive et illégitime. Et il écrit aussi que le péché originel a pour premier effet l’infirmité de la nature, manifestée par la mortalité de l'homme.


ASSOMPTION CATHOLIQUES ET DORMITION ORTHODOXE

La Mère de Dieu mourut de mort naturelle, donc par nécessité, tandis que son Fils, dans la mesure où il était Dieu, ne mourut que parce qu'il le voulut librement, conformément au Dessein de son Père sur lui, et afin de pénétrer de part en part de sa divinité notre humanité pécheresse et déchue. En tant qu'infirmité de l'être humain, en tant que mortalité, ce que nous appelons le péché originel est invincible et inéluctable pour n'importe quel être humain si saint soit-il. Dans le cas de la Vierge Marie, le péché originel est demeuré en elle sous la forme de la mortalité, de l'infirmité de l'humaine nature qui nous amène à mourir de mort naturelle, mais le saint Esprit qui, à l'Annonciation, l'avait couverte de son ombre, coopéra avec sa liberté pour réaliser en elle une libération personnelle des péchés, ou, dit Boulgakov, une impeccabilité personnelle. La Vierge Marie porte le poids du péché originel, et simultanément l'idée d'un quelconque péché personnel est inadmissible dans son cas. La fin de l'Incarnation est essentiellement de manifester, en la divino-humanité de Jésus-Christ, la nature véritable de l'homme et la plénitude de son humanité laquelle porte alors l'image intégrale de Dieu. Le fait que Dieu se soit fait homme ne saurait être considéré comme un phénomène contingent provoqué par la chute. 


(…) La condition de possibilité de l'Incarnation exigeait que la nature humaine fût théophore, c'est-à-dire porteuse de Dieu, capable de porter Dieu. Le péché, accompli dans la liberté, agit sur l'homme d'une manière immanente à sa nature : en ne se soumettant pas au Dessein de Dieu sur lui - c'est cela, essentiellement, le péché, l'homme provoque en lui-même une catastrophe ontologique, qui entraîne une nécessité contre sa nature véritable, celle qui est voulue pour lui par Dieu. Ce qui est naturel, pour l'homme, c'est l'état de justice originelle, c'est ce que l’homme doit être, et non point ce qu'il est de fait devenu dans sa condition pécheresse et déchue."

(…) Les deux concepts /Dormition et Assomption/ sont loin d'être synonymes : le mot Dormition indique qu'avant d'être glorifiée jusque dans son corps, la Mère de Dieu a expérimenté la mort à la suite du Christ, la servante n'étant pas plus grande que son divin Maître ; au contraire, le mot Assomption, lui, reste muet quant à la question de savoir si la Mère de Dieu a connu ou non la mort, ou bien si l'Immaculée conception, telle que l'a affirmée la théologie mariale de l'Occident chrétien en 1854, a rendu inutile voire impensable la mort de celle qui, comme le rappelle Blondel, fut exempte du péché originel. De fait, la définition doctrinale formulée par Pie XII en 1950 est aussi muette que le mot Assomption. 

(Extrait de l'Article paru dans la revue "Orthodoxes a Marseille" n°134 de dec.-janv. 2010-2011
et retranscrit par Maxime le minime sur le site http://orthodoxe-ordinaire.blogspot.com/ avec la permission de Père André Borrely
)

Notes du rédacteur:

(1) Père André Borrély, professeur de philosophie en retraite, théologien, prêtre orthodoxe à Marseille. 
(2),"Le Seigneur a créé l’homme à son image afin qu’il soit son ami, afin qu’il puisse participer à la vie divine, et en demeurant en lui, faire de lui un dieu par la grâce… La descente de l’Esprit Saint est directement liée à l’Incarnation, en effet, on peut dire que c’en est son objectif, comme le Christ l’explique à ses disciples : " Il vaut mieux pour vous que je parte vers le Père " [cf. Jn 15,7], afin d’envoyer le Saint Esprit et de baptiser les disciples dans le feu." Père Serge Boulgakov (http://www.pagesorthodoxes.net/theologiens/boulgakov/serge-boulgakov.htm)
(3) Maurice Blondel Philosophe chrétien français (1861-1949), http://www.sofi.ucl.ac.be/blondel/blondel2.html 

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