Orgueil (Saint Silouane)
L’Orgueil
empêche de s’engager sur la voie de la foi. A l’incroyant je donne le conseil
de dire : « Seigneur, si Tu existes, éclaire-moi, et je Te servirai
de tout mon cœur et de toute mon âme ». Pour cette pensée humble et pour
cette disposition à servir Dieu, le Seigneur l’éclairera sans faute. Lorsque le
Seigneur t’éclairera, ton âme sentira sa présence ; elle sentira que le
Seigneur lui a pardonné, qu’il l’aime. Tu sauras cela par ta propre
expérience ; dans ton âme, la grâce du Saint Esprit témoignera de ton
salut, et tu voudras crier au monde entier : « Comme l’amour de Dieu
pour nous est grand ».
Tant
que l’apôtre Paul ne connaissait pas le Seigneur, il le persécutait ; mais
lorsqu’il le connut, il parcourut le monde entier en annonçant le Christ.
Si le Seigneur ne nous fait pas
connaître par le Saint Esprit combien il nous aime, l’homme ne peut le savoir.
Car il est impossible pour l’intelligence terrestre de comprendre par les
livres seuls de quel amour le Seigneur aime les hommes.
Le
Seigneur ne se révèle pas à l’âme orgueilleuse. L’orgueilleux quand bien même
il étudierait tous les livres, ne connaîtra jamais le Seigneur. Car son orgueil
ne laisse pas de place en lui pour la grâce du Saint Esprit, et Dieu n’est
connu que dans le Saint Esprit.
L’âme
de celui qui garde tous les commandements sentira toujours la présence, même
faible de la grâce ; mais si on la perd facilement par la vanité, pour une
seule pensée d’orgueil. Nous pouvons beaucoup jeûner, beaucoup prier et faire
beaucoup de bien, mais si avec cela nous tombons dans la vanité, nous serons
semblables à un tambour qui résonne mais qui, à l’intérieur est vide.
La vanité rend l’âme vide et il faut une longue lutte pour la vaincre. Mais si l’âme aime l’humilité, alors tous les filets de nos ennemis sont rompus, toutes leurs forteresses sont prises.
Mais
pour être sauvé, il faut s’humilier. Car si l’on introduisait de force un
orgueilleux dans le Paradis, même là il ne trouverait pas de repos, serait
insatisfait et dirait : « Pourquoi n’ai-je pas la première place ? ».
l’âme humble est plein d’amour et en cherche pas à être la première, mais
souhaite le bien pour tous les hommes et se contente de tout.
L’homme vaniteux, ou bien a peur des démons, ou bien leur ressemble. Mais il ne faut pas avoir peur des démons, c’est la vanité et l’orgueil qu’il faut craindre, car ils nous font perdre la grâce.
Le Seigneur est clément, et pourtant il laisse l’âme souffrir de la faim à cause de son orgueil et ne lui accorde pas la grâce tant qu’il n’a pas appris l’humilité. Et lorsque par notre orgueil, nous nous éloignons du Seigneur, nous nous livrons nous-mêmes aux tourments : l’angoisse, l’abattement et les mauvaises pensées nous déchirent.
L'orgueil source de notre
souffrance
[..]. L'ennemi (Satan) est tombé par orgueil. L'orgueil
est le principe du péché en l'homme. Celui-ci peut se manifester sous des
formes diverses: présomption, vaine gloire, désir de puissance, froideur,
cruauté, indifférence aux souffrances du prochain, tendance à la rêverie,
suractivité de l'imagination; angoisse, désespoir, haine; envie, complexes
d'infériorité; concupiscence charnelle; lancinante inquiétude intérieure,
indocilité, crainte de la mort, désir de mettre fin à ses jours.
[..]. Il n'est pas nécessaire que tous les symptômes énumérés
soient réunis pour qu'on puisse reconnaître celui qui s'est laissé séduire par
des pensées passionnelles, des visions, des
hallucinations, d'origine démoniaque.
[..]. Aussi longtemps que l'orgueil garde de
fortes racines dans l'homme, celui-ci reste exposé aux assauts d'un désespoir
particulièrement écrasant, proprement infernal et qui fausse toutes ses
conceptions de Dieu et des voies de sa Providence. L'âme orgueilleuse,
peut en venir à voir la cause de ses souffrances en Dieu.
Privée de la vraie vie en Dieu, elle voit toutes
choses à travers le propre prisme déformant de son état de souffrance maladive,
et commence à haïr même sa propre vie et, d'une manière générale, tout ce
qui existe. Demeurant hors de la Lumière divine, elle en vient dans
son désespoir à considérer l'existence de Dieu comme une absurdité.
Aussi sa haine pour tout ce qui existe et son
éloignement de Dieu augmentent-ils de plus en plus. Les hommes de foi
échappent à ce désespoir et à cette haine, car c'est par la foi que l'homme
est sauvé [..]. L'heure viendra où cette foi fera sortir dans les vastes
espaces de la vie véritable et incorruptible dont la splendeur n'est en rien
comparable à tout ce que l'on peut connaître sur cette terre.
Par
Archimandrite Sophrony
(Source : Starets Silouane - Vie et doctrine - écrits -
Archimandrite Sophrony - Editions Présence - 1973)