Paradis et Royaume des Cieux dans la Tradition Orthodoxe

Saint Paul (rom 14,17) : « le Royaume de Dieu n'est pas dans le manger ni le boire. Il est justice, paix et joie dans l'Esprit saint ».  Ce texte identifie le Royaume des Cieux à l'acquisition du Saint esprit. C'est la doctrine permanente de l'orthodoxie. C'est l'acquisition de la charité, de la puissance de Dieu, ce n'est pas la foi, il s'agit de la puissance du père, l'énergie du Père, l'inspiration du Père, qui est l'Esprit, Souffle du Père.

Dans les textes de saint Maxime de Confesseur, il dit: « Qui n'a pas la foi ? Même les démons on la foi ». Ce n'est pas cela le problème, cela ne suffit pas du tout. Il s'agit d'autre chose, de l'acquisition du Royaume des Cieux en tant que ce royaume est « justice, paix et joie dans l'Esprit saint ».

Quiconque est dans l'injustice, la discorde et la tristesse qui produit la mort, est sujet du diable, de l'enfer, de la mort. Puisque c'est à ces marques que l'on discerne les deux royaumes. Les signes que le Royaume de Dieu est arrivé pour l'âme, dans le sanctuaire de l'âme, le cœur, où il est d'abord, c'est : justice, paix et joie. Les signes que l'âme est encore captive du royaume de Satan sont tristesse, discorde, injustice. Ce ne sont pas des valeurs morales, c'est concret. Je commence à prier et je trouve cela...je trouve tout une série de choses qui sont là, que je reconnais.

Le signe que l'Esprit saint est en nous, que le royaume des Cieux est en nous, ou plutôt que nous l'avons rejoint en nous, c'est la joie, l'allégresse, dans la louange. C'est pour cela que dans la prière, il y a toujours deux phases: une phase triste et une phase gaie. La phase triste consiste à rejoindre ce centre là, et la phase gaie consiste à voir en nous les fruits du royaume. Si nous sommes tristes ce n'est pas normal. Je dois déraciner ce royaume de Satan en moi qui se manifeste comme tristesse, et trouver le royaume des cieux qui lui est joie. 

Cette royauté de Dieu ou de Satan se manifeste par des fruits intérieurs que porte l'homme. Le royaume de Dieu n'est pas un état que l'homme attend de l'extérieur mais il est un lieu, un état, un royaume qui est en lui. Seulement, lui n'est pas en lui-même. Il faut arriver à être suffisamment en soi pour trouver le royaume de Dieu qui y est. Cela dit les signes que l'on est parvenu à ce royaume est « justice, paix et joie ».

(Père Marc Antoine Costa de Beauregard)

Royaume de Dieu par Saint Syméon le Nouveau Théologien

« Si le Saint Esprit est en toi, tu comprendras assurément d’après ses effets en toi ce que dit de Lui l’apôtre : Là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté, ou bien, Le corps est mort à cause du péché mais l’esprit est vie à cause de la justice……Nous pouvons penser de même à propos de ceux qui ont en eux l’Esprit Saint : ils ont un corps, mais n’habite pas dans la chair…ils sont mort pour le monde et le monde pour eux » (Centurie 3/43).

« Celui qui sait que ces signes et ces prodiges se produisent en lui est un porteur de Dieu, un faiseur de miracles, car il a Dieu, c'est-à-dire l’Esprit Saint Lui-même qui habite en lui, qui annonce et produit en lui ce que disait Saint Paul. Mais celui qui n’a pas encore reconnu tout cela en lui, qu’il ne se fasse pas d’illusion, il n’est encore que chair et sang, obnubilé avec évidence par les ténèbres des convoitises de la chair. Or la chair et le sang n’héritent pas le Royaume de Dieu, qui est le Saint Esprit » (Centurie 3/44).

« Quelqu’un se tient à l’intérieur d’une maison, toutes portes fermées ; s’il entrouvre une fenêtre et qu’un éclair, soudain, brille autour de lui éblouissant, il ne peut supporter de ses yeux son éclat ; il se protège aussitôt en fermant les paupières et se replie sur lui-même. De même aussi, l’âme enfermée dans les sensations ; si jamais par son intelligence elle se penche hors des sensations comme par une fenêtre, elle est éblouie par l’éclair du gage qui est en elle, je veux dire du Saint Esprit ; ne pouvant supporter l’éclat de cette lumière insoutenable, elle est aussitôt foudroyée dans son intelligence » (Centurie 3/54).

« S’il a reçu l’Esprit Saint, qu’il s’applique à le garder. S’il n’a pas encore été jugé digne de Le recevoir, qu’il s’efforce de l’obtenir par ses œuvres et actions, par une fervente pénitence, et à le préserver par la pratique des commandements et l’acquisition des vertus » (Centurie 3/55).

C’est la question de la préservation de ce don de la grâce : « La grâce de Dieu est préservée grâce à l’observation des commandements ; et la pratique des commandements est posée comme fondement pour obtenir le don de Dieu ; car ni la grâce de Dieu ne peut se maintenir en nous sans l’observation des commandements, ni l’observation des commandements n’est d’aucun  avantage ou utilité pour nous sans la grâce de Dieu » (Centurie 3/56).

L’application des commandements de Dieu permet l’acquisition de la grâce, et pour la conserver il faut appliquer les commandements : acquérir et stabiliser la grâce. L’accomplissement de cela est la déification. La conclusion est l’unité de tous en Christ.

« Tous les fidèles doivent être considérés par nous, fidèles, comme un seul être ; nous devons penser qu’en chacun d’eux habite le Christ et ainsi par amour pour Lui nous devons être disposés de telle sorte que nous soyons prêt à donner notre vie pour lui. Nous n’avons donc absolument pas le droit de dire ou de penser de que quelqu’un qu’il est mauvais mais il faut considérer tous les fidèles comme bons, ainsi que nous l’avons dit. Même si tu vois quelqu’un tourmenté par les passions ne déteste pas ton frère mais les passions qui lui font la guerre ; s’il est tyrannisé par les désirs et les préjugés, plains-le encore plus de peur que toi aussi tu ne sois mis à l’épreuve, exposé comme tu l’es aux variations de la matière instable » (Centurie 3/3).

Il s’agit d’une vision dans le Corps de l’Eglise, de la sainteté. On voit spirituellement la sainteté du Corps du Christ dans chacun de ses membres, au-delà des passions. De même que l’on ne voit pas les affiches du métro, on ne finit par ne plus voir ce qui n’est pas le saint, à ne voir dans autrui que ce qui est saint, ce qui est le Christ, cette humanité nouvelle, cette homme nouveau dans le Saint Esprit.

« Les ordres intelligibles des puissances célestes reçoivent leur lumière de Dieu, ordre par ordre, du premier au second, de celui-ci à un autre, et ainsi de suite jusqu’à ce que le rayonnement divin les atteignent tous. Il en est de même pour les saints. Recevant leur lumière à partir des anges de Dieu, reliés et réunis par le lien de l’Esprit, ils deviennent des égaux et des émules des anges. En effet, c’est à partir des saints qui les ont précédés que les saints, qui de génération en génération viennent  par la pratique des commandements de Dieu, se joindre à eux, reçoivent comme eux, la lumière, recevant la grâce par participation. Ils deviennent comme une chaîne d’or, chacun d’eux étant un chaînon relié au précédent par la foi, les œuvres et la charité, jusqu’à former dans le Dieu unique une chaîne qu’il n’est pas facile de rompre » (Centurie 3/4)

Il y a donc une vision évolutive de l’être humain, une évolution en Dieu, par la grâce de l’Esprit saint, s’accomplissant dans le terme de la déification. Cette évolution n’est pas individuelle, mais elle nous fait entrer essentiellement dans la vie personnelle, la vie de communion non seulement avec Dieu, mais avec tous : la vie de communion des saints. 

(Théologie orthodoxe)

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