Pouvoir de Satan et libération par le Christ

Quand une créature naît, avant le baptême, elle est celle d'une créature de Dieu mais asservie. Il faut donc ce baptême qui exorcise la créature et l'arrache au pouvoir de Satan. Il y a une espèce de libération. Le Christ a libéré l'homme de la mort, donc au pouvoir de Satan. Chaque fois que nous laissons Satan (par une pensée, une suggestion) à nouveau nous enchaîner, nous nous trouvons dans une situation antérieure.

Nous aurons besoin d'un mouvement, nous n'allons pas être rebaptisés, mais nous allons faire une démarche qui correspondra au rajeunissement du baptême, c'est ce que l'on appelle la démarche de pénitence. Si dans l'église orthodoxe, la pénitence est tellement importante (l'église repose sur la conversion), c'est pour cela.

Chaque fois que je vais vers l'évêque ou le prêtre, c'est  pour confesser que je suis aliéné spirituellement, que je ne peux pas faire ce que je veux, je viens pour être délié de ce qui me pèse sur moi. Pas pour être jugé, pour avoir raison ou tord, ce qui n'est pas le sujet.

Je suis lié par un pouvoir spirituel par un pouvoir de Satan sur moi. Mais ma liberté subsiste suffisamment pour demander à être délié, faire la démarche, prier pour moi-même. Je peux donc faire beaucoup de chose, mais j'ai besoin d'aller vers l'église, vers le Christ, vers ceux qui exercent le pouvoir du Christ: nous libérer de Satan. L'image de Dieu en moi n'est pas détruite mais je ne peux rien en faire.

La plupart des chrétiens, parce que l'on ne connaît pas bien cela, ne montrent pas le Royaume de Dieu de manière éblouissante. Les saints disent ''oui'', ils sont des hommes vraiment libres. Mais la plupart des chrétiens ne sont pas très libres, car ils retombent très vite après le baptême, sous cette sujétion de Satan, peut-être pas aussi forte qu'après le baptême, mais ils retombent.

C'est la raison pourquoi on demandait le baptême si tard dans l'église ancienne. Pas par la peur de s'engager, mais parce que l'on avait peur de retomber sous le joug de Satan. Pour cette raison, l'église a donné la pénitence comme sacrement depuis le 4° siècle jusqu'à nos jours, pour donner confiance d'être baptisés tôt en sachant qu'on pouvait renouveler le baptême.

Beaucoup de chose tourne autour de cela chez saint Jean Cassien: la lutte contre les pensées, la lutte pour la garde du cœur, la lutte contre le royaume de Satan pour trouver le royaume des Cieux en nous passent par ce mystère selon lequel le christ nous libère de Satan. Quand on dit que le Christ nous libère de la mort, il nous libère en fait du pouvoir que Satan a sur nous. 

Dans le cas d'Adam (qui est notre type à tous), Chaque fois que je pèche, c'est en Adam que je pèche, c'est un mystère qui n'est pas seulement chronologique, il est permanent. Ce mystère consiste dans le fait que je me soumets moi-même, et tous ceux qui m'entourent, à l'esclavage. Consciemment ou inconsciemment, par le biais des pensées, des suggestions. Cela enchaîne l'homme qui souffre.

IL n'a y pas de possibilité de croire, de concevoir que Dieu a été blessé et qu'il faut que quelqu'un vienne réparer ''l'offense faite à Dieu''. C'est la doctrine occidentale, surtout à l'époque médiévale, où l'on conçoit que le Christ venait réparer l'offense faite au Père. Cela est absent de la doctrine orthodoxe. Dieu n'est jamais blessé, c'est l'homme qui l'est.

Inversement toute libération à l'égard de ce pouvoir là, tout lien au Christ fait de nous des gens qui ne mourront pas. C'est cela le but primitif, à l'origine que l'image et la ressemblance conféraient à l'homme: l'immortalité.

C'est le don de Dieu, don de l'image de Dieu fait à l'homme dans le principe, don de l'immortalité. Elle n'est pas naturelle: nous ne sommes pas naturellement immortels, nous ne sommes pas des dieux par nature, mais Dieu donne cela, ontologiquement, à l'origine. Si nous laissons un autre dominer sur nous, ce don même que Dieu nous a fait est virtualisé, et nous devenons des gens qui meurent, qui se corrompent, qui se décomposent.

Le Christ ne sauve pas l'homme définitivement. C'est le grand scandale: d'une part Dieu laisse le mal exister dans le monde, mais même après le Christ en croix, le mal continue, l'apostasie continue, et moi-même bien que baptisé, Die me laisse faire l'expérience de ma liberté, faire des erreurs, et me révolter. Je suis encore plus libre après qu'avant d'aller contre Dieu.

C'est le scandale de la liberté humaine. « « Dieu ne sauve pas l'homme définitivement » nous dit saint Jean Cassien. Le Christ n'est pas un salut automatique et définitif, mais il s'agit d'une libération, d'une restauration de la liberté de l'homme qui va pouvoir, parce qu'il est libéré par le Christ, mener le bon combat et accomplir la promesse faite à l'origine. Tant qu'il n'est pas libéré par le Christ, il ne peut rien faire.

C'est très important pour les religions comparées. On est entouré de gens qui disent: vous êtes chrétien, mais si on est autre chose ce n'est pas grave, c'est pareil. Non! On peut très bien toute sa vie faite un effort spirituel, avec quelque chose qui pèse sur nous et dont nous nous ne rendons pas compte. Nous avons absolument besoin d'être libéré du pouvoir de Satan que donne le Christ, pour pouvoir mener le bon combat. Il ne faut pas croire que ceux qui mènent le combat spirituel en dehors de l'Eglise le font dans les meilleures conditions. Ils le font très sincèrement, il y a de grands spirituels dans toutes les traditions, avec un poids immense dont ils ne sont pas libérés.

Donc la découverte du Christ, le passage par le Christ, est la possibilité d'être libre pour mener le bon combat, pour acquérir enfin ce royaume des Cieux. Le Christ est le médiateur, la porte, par le Christ on est délié, afin de marcher.

Donc la découverte du Christ, le passage par le Christ, est la possibilité d'être libre pour mener le bon combat, pour acquérir enfin ce royaume des Cieux.  Le Christ est le médiateur, la porte, par le Christ on est délié, afin de marcher. Le rôle du Christ est essentiellement de restaurer la liberté de l'homme, sauvegarder la liberté de l'homme. Christ ne libère pas  l'homme pour lui-même mais pour un autre : l'Esprit Saint. C'est un des grands thèmes des pères anciens. Le Christ nous libère pour que nous recevions l'Esprit Saint.

La résurrection a un but: La pentecôte. Le Christ meurt et ressuscite, nous mourrons et ressuscitons en Christ pour recevoir l'Esprit Saint.  Mon âme est au pouvoir du prince du monde. Je crie vers Dieu, je demande qu'il me libère. Je vais utiliser les sacrements de l'Eglise. Je fais quelque chose pour sortir de là, pour être libéré. C'est une œuvre concrète. Cette œuvre concrète d'être libéré intérieurement du pouvoir de Satan, c'est l'œuvre de l'expérience de la résurrection, après nous avons la possibilité de vivre la vie dans l'Esprit Saint.

Donc avant le Christ, l'humanité, nous-mêmes, ne sommes pas damnés, contrairement à ce que disait saint augustin, mais nous sommes assujettis à des contraintes dont le Christ nous libère. Ce qui est important est que le Christ ne nous libère pas d'une manière magique. Saint Jean Cassien fait sortir de la vision selon laquelle le salut serait définitivement acquis pour tous, et serait acquis à partir du moment où on est dans l'église, que l'on vit les sacrements. Saint Jean Cassien nous dit que ce sacrement agit dans la mesure où il y a une coopération de la liberté restaurée. La liberté est restaurée  pour que l'homme puisse participer aux sacrements mêmes.

Il dit que le Christ ne libère pas l'homme par une sorte de puissance unilatérale de sa résurrection, mais parce qu'il lui donne un enseignement. Chaque fois que l'évêque ou le prêtre accomplit un sacrement dans l'église, il le fait appuyer sur la parole de l'évangile. Cela veut dire que ce qui opère la guérison (par exemple: onction des malades), ce n'est pas la puissance magique du rite (huile, signe de croix). L'être humain qui entend la parole de Dieu, lié aux gestes du Christ, et à la puissance de l'Esprit Saint qui agit par la parole et le geste du Christ, cet être humain là, sera guéri, libéré. Le Christ nous libère par sa parole, par les exemples de sa vie, ce que nous savon de lui. Ceci frappe notre conscience, notre cœur et nous amène à la conversion. Ce qui nous libère, c'est la conversion.

La colère c'est la violence dans l'homme. Le jour où cette violence devient feu, ce sont nos énergies qui se réorientent dans le bon sens. Saint Jean climaque dit que la colère est une énergie qui se dirige contre les créatures, soit guidée par les anges vers le royaume. Mais c'est une même énergie. C'est le problème de la conversion des passions.

Si on admet que le centre de l'homme est dans le cœur, le rôle du cœur est d'être le lieu où est l'esprit de l’homme (pas dans le cerveau). Si les deux sont touchés en même temps: si le cœur et l'esprit sont touchés par la même parole, l'homme change. C'est cela qui le guérit, pas une puissance magique. Le rite ne peut être fait par un athée. Le rite doit être fait par des gens qui ont la foi, avec la parole du Christ, car dans la personne, la parole du Christ, il y a quelque chose qui touche, me transforme, qui touche sa conscience. C'est très important, cela respecte la liberté de l'homme.

Le Christ nous dit quelque chose par sa parole, dans ses gestes; à nous d'y obéir. Dans l'office des malades, le prêtre dit « Dieu va te guérir. Mais s'il t'accorde la guérison, la conserveras-tu ? ». cela paraît aberrant, mais cela veut dire que si je suis malade, j'y suis pour quelque chose. La maladie foncière de l'homme est la maladie de l'âme (nous demandons essentiellement la guérison pour notre âme, la restauration en nous de l'image). Le corps porte éventuellement les conséquences de cela. L'homme souffre dans le corps. Pour cette raison, là ce  sont  ces images, ces comportements du Christ qui peuvent me frapper et m'apprendre quelque chose.

Le Christ nous libère en nous apprenant quelque chose. Il me sauve parce que je crie vers lui, donc ma conscience est éveillée l'urgence du salut, et il me sauve en m'apprenant comment faire pour être libéré du péché et de la mort. Il peut faire cela parce qu'en lui, dans le Christ, l'image et la ressemblance sont intactes. Il est non seulement l'image, mais aussi la ressemblance. Si quelque veut voir un être humain devenu parfaitement déifié, parfaitement ressemblant à Dieu, qu'il lise l'évangile. Nous avons dans cette personne même l'image resplendissante. Il suffit même de répéter le nom de Jésus pour être sauvé.
 
Le seul être qui ait échappé à l'hérédité (biologique) du péché est le Christ. La Vierge, elle-même, n'est pas à part. Celui qui est à part de toute faute d'Adam c'est le Christ lui-même. C'est pour cela qu'en lui, en l'invoquant, en le priant, même s'il n'était qu'un homme, d'une certaine façon, dans la mesure où il est sans péché, il peut nous aider.

La Vierge même, ou elle est libérée du péché originel par l'incarnation, devient capable de sauver les hommes. Si nous disons: « très sainte Mère de Dieu sauve-nous », c'est parce que par l'incarnation, elle a été aussi libérée du péché. Quelqu'un qui acquiert l'impeccabilité, en quelque sorte, devient capable de sauver les autres.

Le Christ nous montre en le faisant lui-même. Il subit dans le désert le triple assaut du combat spirituel. Il rencontre au désert le monde spirituel déchu. Il ne se laisse pas asservir. Il le réfute, la repousse. Il traverse librement ce combat. Le Christ n'a jamais pu être asservi à Satan. C'est pour cela que toute notre vie est centrée sur le Christ. 

Le christ a connu les 3 manières typiques dont Satan asservit l'homme: la gourmandise, la vaine gloire, l'orgueil. Si nous adhérons constamment au Christ, si le Christ vient habiter en nous, nous devenons capable de traverser ce triple assaut nous aussi, sans être enchaîné, en restant libres. L'être humain qui s'unit complètement au Christ par la prière continuelle devient invulnérable. Non pas magiquement, mais parce qu'il fait comme a fait le Christ. Non parce qu'il y a une doctrine des mérites, les mérites du Christ (comme a dit la théologie médiévale occidentale), passent en lui. C'est impossible de vivre à quelqu'un sans lui ressembler. C'est cette doctrine de l'union à Dieu.

Encore aujourd'hui, la doctrine de la prière dans l'orthodoxie, est une assimilation au Christ par la fréquentation. A force de vivre avec le Christ ou de le laisser vivre en nous, de le fréquenter, de lui parler, de l'invoquer, de penser à lui tout le temps, on finit par lui ressembler; Il y a une assimilation, on devient consubstantiel au Christ. Indépendamment des sacrements, essentiellement dans la prière, ce travail est possible.

Quand on a compris que le fond du problème est de donner la royauté de notre cœur à dieu ou a Satan, que c'est la cause du baptême (renonce-tu à Satan?), on comprend que de rester joint au Christ nous nous rendons invulnérable à Satan. C'est cela que nous avons besoin de savoir et d'apprendre aux autres. La réflexion théologique viendra après.

Tant que nous n'avons déraciné en nous la royauté de Satan nous ne pouvons pas verser des larmes de crocodiles sur les guerres, les désastres que nous voyons. Il faut commencer soi-même à être libre. Le jour où je serais moi-même un être libéré du pouvoir de Satan, alors je pourrais commencer à prier pour le monde. C'est pour cela que le royaume de Dieu passe par la pureté du cœur.

Il y a un but ultime qui est le royaume de Dieu, et un but premier qui et la libération du cœur de la sujettion de Satan.

(Extrait des enseignements et cours théologiques du père Marc Antoine Costa de Beauregard)

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