Vie en Christ (par Anastase de Tirana)
Lorsque
nous
prions : « Transforme le monde, Dieu, dans ta
grâce », nous
recevons cette réponse : « mais je veux que vous soyez
avec
moi ! ». Notre rôle n’est pas d’être des spectateurs
contemplant les
actes de Dieu, mais des collaborateurs ; c’est là une des
conséquences
directes de l’incarnation, de l’institution de l’église, « corps
mystique », dont nous avons accepté en toute liberté de devenir
membres.
Nous tous, qui lui appartenons, nous avons à la fois le privilège et
l’obligation de participer activement à la transfiguration du monde.
Commençons
par nous-mêmes. La vie en christ à laquelle nous avons
été appelés, est un voyage qui ne cesse
de nous transformer. Saint Paul donne ce conseil : « Ne
vous
conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le
renouvellement de
votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu :
ce
qu’est le bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait » (Rm
12,2).
Le renouvellement de « l’intelligence » est précisément ce
dont il
s’agit dans la repentance. Cela peut se produire dans le silence
contemplatif
qui nous conduit à nous rendre compte que nous ne sommes rien et que
nous ne
valons rien. C’est le résultat de l’autocritique concernant la mesure
de notre éloignement
par rapport à l’idéal que représente sa volonté.
Ce
qui nous est demandé, c’est de regarder continuellement Dieu et de le
chercher
sans cesse. Il
ne s’agit pas d’un
changement opéré une fois pour toutes, mais d’une transformation
permanente opérée
par la grâce de l’Esprit. « Car le Seigneur est l’Esprit…Et nous
tous…nous
sommes transfigurés en cette même image, avec une gloire toujours plus
grande,
par le Seigneur qui est Esprit » (2 Cor 3,17-18).
Nous
parlons d’un processus de transformation
allant purification en
purification, de repentance en repentance, de vertu en vertu, de
connaissance
en connaissance, de gloire en gloire. C’est
un processus dynamique de renouveau incessant dans la grâce de
l’esprit.
Comme
le dit Saint Grégoire
de Nysse, un chrétien « ne cesse de changer pour devenir meilleur
et se
transforme de gloire en gloire par une croissance quotidienne, allant
toujours
en s’améliorant et en étant sans cesse déifié, mais sans jamais
atteindre la
perfection ultime. Car la véritable perfection signifie que l’on ne
cesse
jamais de croître vers ce qui est meilleur et ne réduit jamais la
perfection à
une limite ».
Appelé
à être sanctifié
La grâce
devient service, effort imaginatif pour la guérison, la réconciliation,
la
diffusion de l’évangile en vue de la transformation de tous. Pourtant,
saint
Paul rectifie : « Non pas moi, mais la grâce de Dieu qui
était
en moi » (1 Cor 15,10).
Le
combat spirituel pour notre transformation intérieure, suivant
l’exemple du christ lui-même, doit être mené
dans l’église. Le chrétien fidèle lutte et il est sanctifié en tant
que
membre du Corps du Christ. La transformation et le renouveau personnels
se
reflètent dans l’ensemble de la communauté ecclésiale.
« Jésus
Christ, le même
hier, aujourd’hui, et pour l’éternité (Heb 13,8), est la tête de
l’Eglise, qui
est son Corps, avec le soutien du Saint Esprit, et dans ce sens,
l’église ne
saurait pécher. C’est pourquoi, nous ne demandons pas la transformation
de
l’Eglise. Toutefois, si nous parlons des ‘’églises’’, en particulier
dans le
sens des communautés des croyants dans l’histoire, nous savons très
bien qu’il
arrive que les croyants ne réussissent pas à réaliser l’être
authentique de
l’église. C’est nous, les pécheurs, qui
avons besoin de transformation, au plan personnel et
communautaire »
(Métropolite Gennadios Limouris).
Le
voyage qui transformera
nos communautés ecclésiales ne peut se réaliser sur la
base de critères occasionnels qui se
fonderaient sur des modes passagères ; il ne se réalisera que sous
la
conduite de « l’évangile de la grâce ». Dans
la pratique, nous
avons souvent constaté que l’on remplaçait de nombreux commandements de
Dieu
par la mentalité de « ce monde », en un renversement
diabolique des
principes évangéliques.
Au lieu de la primauté du service, nous avons
recherché
la primauté de l’autorité ; au pouvoir de l’amour, nous avons
préféré
l’amour du pouvoir de ce monde ; au lieu de respecter les autres,
nous
avons exigé qu’ils se soumettent à nos opinions et à nos désirs.
L’Eglise
a l’obligation de
demeurer, en tout temps, et en tout lieux, conforme à son essence, qui
est
d’être le Corps du Christ, « la plénitude de Celui que Dieu
remplit
lui-même totalement » (Eph 1,23), parole, lumière, témoin de Celui
qui englobe
toutes choses dans son Amour et les transforme.
Toutes les actions sociales et culturelles ne sont que l’expression historique et l’incarnation de l’amour dans des circonstances et des conditions spécifiques.
(Mgr Anasthase de Tirana)