Chrétien orthodoxe dans le monde

Ainsi tel le levain dans la pâte, l’action du chrétien dans le monde est avant tout une présence rayonnante, compatissante, et libre de toute appartenance hors celle du Christ. Une présence eucharistique de veilleur et de passeur de lumière, qui participe à la construction de la fraternité humaine, dont il sait, dans le secret de sa foi, qu’elle ne peut exister sans paternité, hors de l’économie trinitaire, car comme le dit saint Séraphin de Sarov, « le but de la vie chrétienne est l’acquisition de l’esprit Saint ».

Le prototype de cette fraternité paternité est la communauté paroissiale qui, centrée sur l’eucharistie, est le tremplin de notre engagement dans le monde sans nous laisser investir par lui. Tout en rejetant l’utopie d’où le mal disparaîtrait par les seules forces humaines, les chrétiens ne doivent pas s’endormir dans l’attente du Royaume, mais participer déjà à sa construction.

Face à la chute de l’idéologie marxiste, et au gigantisme inquiétant du capitalisme, face à la mondialisation qui nie le particulier autant que l’universel, la question d’une troisième voie, inspirée de l’évangile, ne peut trouver de réponse idéologique, car le christianisme ne peut s’établir en système, sauf en perdant son sens, comme il a pu le faire en se faussant à certaines époques de l’histoire.

« Il ne saurait y avoir une science, une philosophie, une politiques chrétiennes » disait Paul Evdokimov. « Il n’y a que des hommes chrétiens qui exercent d’une manière authentique, l’économie, la politique et l’organisation de la cité ». Le chrétien s’intègre dans ce qui existe déjà au niveau national et international, notamment dans le domaine politico-économique et humanitaire.

Pourtant, certains engagements spécifiquement chrétiens, mus par le seul souci évangélique d’éducation, de santé, de partage et de justice, demeurent nécessairement indispensables, en particulier, face aux soucis des actions institutionnelles de plus en plus soumises, même involontairement, aux intérêts économiques, politiques et militaires, des pays riches.

Si la mission fondamentale de l’église est d’annoncer l’évangile, elle est aussi de le vivre. Une église de lumière qui montre au monde que le christianisme n’est pas une religion qu’il s’imagine obsédée par le péché, mais une religion du désir de Dieu, d’appel à la vie véritable. Une église qui doit inonder le monde de sa prière constante et de son amour ardent, en s’exprimant avec des paroles simples, humaines, chargées d’espérance. Une église créatrice qui ne s’enferme pas dans un système, car tout système est réducteur de la vérité.

Etre dans le monde, c’est être avec les autres, sans préjugé, sans démagogie, sans aveuglement, pour construire ensemble le Royaume de Dieu qui n’exclut personne. Etre dans le monde, c’est ne pas appartenir au monde, mais tenter de lui faire découvrir la « bonne nouvelle » en la vivant avec lui.

Pour l’homme d’aujourd’hui, l’église pourrait être cet espace de repos, de redécouverte de la dignité, de ressourcement, de silence ou le charnel devient spirituel sans cesser d’être charnel, et où la lumière des icônes irradie le visage. C’est dans cet espace au-delà de l’espace que, par les prières et les sacrements, le monde, l’amour, le travail et les jours sont sanctifiés »

 (Propos de Claude Hiffer)

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