Christ est ressuscité !
La fête de la résurrection est au cœur de la foi
chrétienne. Elle est la fête des fêtes, la solennité des solennités, car la
résurrection signe la victoire définitive de la vie sur la mort, de l’amour sur
le péché. Dans la résurrection, il n’y a plus de rupture, tout est récapitulé
en Christ.
Dieu en Jésus Christ a librement accepté de partager
notre condition humaine soumise à la mort. En tant que fils de l’homme, il a
mené un combat incessant pour réintroduire la vie là où la mort menaçait, il a
guéri les malades, ressuscité les morts, chassé les démons.
Après avoir ramené Lazare à la vie, il entra
triomphalement à Jérusalem et fut acclamé comme roi de Sion, reconnu comme
ayant autorité sur la vie et sur la mort. Mais, il voulut se livrer totalement
et a accepté de traverser lui-même la mort, la mort même de la croix. Par
amour, il a accepté de descendre dans le néant de la mort afin que, s’il put
exister un espace hors d’atteinte de la vie, il soit anéanti ou plutôt définitivement
habité par la présence de Dieu.
En Christ, Dieu a épousé la nature humaine,
l’altérité. Il s’est uni à l’homme jusqu’à même descendre dans les ténèbres, là
où la lumière était refusée. Dans la descente aux enfers, il vient épouser
l’homme dans sa totalité, c’est alors qu’éclate la résurrection. Tout est
inondé de lumière : le ciel, la terre et les enfers. L’amour de Dieu a
triomphé de l’enfer et de la mort.
Faire nôtre la victoire du Christ Cette victoire, nous la chantons avec force en cette nuit lumineuse
de la résurrection afin qu’à la suite du Christ et en lui, nous fassions
triompher la vie sur la mort et que nous ne nous laissions plus enfermer par
les forces de mort.
La résurrection signifie que le Christ est vivant,
qu’il vient vers nous afin d’actualiser sa victoire. La foi en la résurrection
nous aide à faire confiance, à laisser le Christ œuvrer en nous.
Non plus moi mais Dieu en moi. Vivre Pâque, c’est
faire ce passage de moi à Dieu en moi.
Cette semaine, nous avons accompagné Jésus dans sa
passion volontaire jusqu’à l’échec apparent de sa mort sur la croix. Pour nous
de même, il nous faut passer par la conscience de l’échec, de nos limites, de
notre faiblesse, de notre impuissance à atteindre le but pour être prêt à
recevoir la grâce de Dieu, à s’ouvrir à son amour incommensurable. C’est
lorsque l’on désespère de ses possibilités individuelles que l’on peut
s’abandonner à la miséricorde divine.
Saint Maxime le Confesseur a cette parole : « celui qui a connu la faiblesse de la nature humaine, celui-là a reçu l’expérience de la puissance de Dieu ». L’expérience de nos limites est la possibilité d’ouvrir notre cœur à la puissance de la vie divine, c’est entrer dans l’espace dialogal et vivant de la relation divino-humaine.
Compter sur ses propres forces, vouloir gagner sa vie
c’est la perdre car c’est rester en exil du dialogue, de la relation avec le
Christ qui sauve. Rester en exil du dialogue, c’est demeurer dans la mort.
L’objectivation dit cet exil, cette réduction du monde aux objets qui aboutit à
l’absurde.
Manquer le but Le symbole de l’objectivation est l’argent. Après son entrée à
Jérusalem, le Christ pénètre dans le temple pour renverser les tables des
marchands et chasser les vendeurs du temple en clamant : « Ma maison
sera appelée maison de prière. Mais vous, vous en faites une caverne de
voleurs ». Mat 21/13. Il rappelle que la finalité du temple, c’est la
prière, le dialogue avec Dieu, la vie en Dieu. En faire une maison de commerce,
c’est détourner la finalité du temple vers des intérêts immédiats, éphémères et
existentiels. La mort met un terme à cette finalité.
Symboliquement, le temple, c’est le cosmos. La
finalité du cosmos est de nous conduire vers une communion avec Dieu, la finalité
est eucharistique. C’est ce que nous rappelle le Christ lors de la Sainte Cène
avant de monter sur la croix.
L’urgence de notre temps est de retrouver la dimension
dialogale du cosmos, de nous rappeler que notre existence a pour finalité la
vie en Dieu, non notre confort existentiel.
Saint Paul, dans sa perspicacité spirituelle, avait
perçu que : « la création toute entière attend avec un ardent désir
la révélation des fils de Dieu » Rom 8/19. « La création toute
entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement » 8/22.
Cette parole est des plus actuelles. Elle est une invitation forte à nous
consacrer à l’unique nécessaire : devenir des fils et des filles de Dieu
ou plutôt se laisser ressusciter par Dieu, engendré par le Père.
C’est en nous resituant dans cette perspective que
nous pourrons sortir de l’impasse actuelle. Nous touchons aux limites de la
logique de mort qui s’appelle objectivation où toute matière et toute vie sont
réduites à leurs valeurs marchandes. La mondialisation du consumérisme et du
profit tend à tout envahir pour tout anéantir.
Pour sortir de cette logique mortifère, il nous faut
ouvrir l’espace dialogal ou espace symbolique. Le symbole met en lien le
visible et l’invisible, la terre et le ciel. Il permet d’entrer dans une
lecture verticale des événements pour déchiffrer le sens. Il introduit dans
notre monde de mort un nouveau dynamisme : celui de la Résurrection.
Lequel nous invite à sortir des apparences, de l’extériorité, de la
chosification pour devenir sensible à la vie qui fait être toutes choses.
La résurrection, cela veut dire qu’en tout événement,
le Christ vient dans notre monde de mort pour réinfuser la vie.
L’événement pascal nous invite à un saut quantique, à passer des ténèbres à la
lumière, de l’enfermement à l’ouverture. Sortir de nos considérations
utilitaires, marchandes, de nos vieux schémas mentaux pour enfin percevoir la
Nouveauté à l’œuvre dans ce monde.
L’événement de la Nouveauté est intérieur à
l’histoire, le Royaume des cieux est au dedans de nous. Cela veut dire que nous
portons en nous les germes de la Résurrection, que nous avons à les semer
partout où nous sommes.
Mais comment semer la vie si nous ne sommes pas
devenus des vivants ? Comment être des vivants si nous ne portons pas en
nous le Christ Ressuscité ?
Etre vivant, c’est prendre le risque de la Nouveauté,
donc de la vérité et de la liberté qui sont les noms même de l’Esprit Saint.
Etre vivant dans le Souffle de l’Esprit, c’est oser
vivre son intégrité personnelle, sa vérité profonde. Le Christ qui est la
Vérité, nous appelle et désire descendre dans nos profondeurs pour ressusciter
l’image de Dieu en nous. Celle-ci est comme un petit enfant en attente de la
plénitude de vie. L’enfant, symbole de l’être en nous, est le germe de la
résurrection qui ne demande qu’à grandir et s’épanouir.
Ce soir, le Christ ressuscité nous invite à entrer
dans la plénitude de vie, il appelle l’être en nous qui se cache derrière le
paraître, il désire que nous devenions pleinement vivants.
La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, l’homme
ressuscité en Christ.
Christ est ressuscité Alléluia.
Père Philippe Dautais