Le dogme (Patriarche Athénagoras)
Dogme chrétien
Des hérésies je n’en vois
nulle part, seulement des vérités partielles, amoindries, mal situées, ou qui
prétendent saisir le mystère inépuisable.
La théologie, il faut la
vivre. C'est-à-dire en parler comme le fait l’écriture, comme le font les
pères. La vraie théologie c’est le
Christ. Nous la trouvons dans la rencontre du Christ et dans la contemplation
du mystère. La voilà la véritable
théologie, c’est la prédication d’un christ crucifié et ressuscité.
Les philosophes russes des
XIX et XX° siècle ont dénoncé dans le rationalisme théologique la principale
source du nihilisme occidental.
Les docteurs de l’église se
contentent de mettre en forme cette expérience. Saint jean, l’apôtre bien
aimé, Grégoire de Nazianze et saint Syméon le théologien sont vénérés comme
théologien de l’église. Ils ne se spéculent pas, ils vivent le mystère, puis
laisse chanter leur intelligence. Ils sont ivres d’Esprit.
L’intelligence théologique
ne peut être qu’une théologie eucharistique. « Celui seul est théologien
qui a trouvé la prière pure » qui est devenu tout entier prière.
Pourquoi ne devenons-nous
pas tous sages en recevant la gnose de Dieu qui est Jésus Christ ? Parce
que nous avons voulu faire de la théologie une science exactement comme nous
avons fait de l’église une machine. Alors que la véritable théologie exige une
transformation de tout l’être, et part de la « métanoia » pour
s’accomplir dans l’amour.
Saint thomas d’Aquin ne séparait pas la théologie d’une profonde vie chrétienne…. On n’oublie trop souvent sa dimension mystique et cette rumination si traditionnelle de l’écriture. N’empêche qu’il y a chez lui, peut-être parce qu’il n’avait plus l’antidote oriental, la tentation d’organiser la théologie en science.
Et les thomistes ont cédé à
cette tentation. L’Unité de la vie liturgique, de la vie mystique, et de la
pensée s’est défaite. La théologie est devenue
alors l’expression chrétienne de la métaphysique occidentale qui, depuis
Platon, opposait le sensible et l’intelligible pour établir une parenté entre
intelligible et divin.
Or le véritable mystère
dépasse aussi bien l’intelligible que le sensible et transfigure autant l’un
que l’autre, le corps autant que l’âme.
Le renouveau du palamisme à
notre époque est un signe extrêmement positif. Le palamisme exprime bien le
réalisme de la vie chrétienne, la transformation réelle de l’homme tout entier
dans la lumière de l’Esprit.
De l’homme tout entier et à
travers lui, de l’histoire et de l’univers, car l’homme en communion n’est plus
séparé de rien.
Il y a chez Palamas un
admirable équilibre entre le sens de la personne et celui du cosmos. A travers
la personne, toute la chair de la terre est appelée à devenir la « chair
de Dieu ».
La véritable théologie ne s’oppose pas à l’amour : elle l’exprime.
Que sont les dogmes, sinon
les symboles d’une expérience de l’amour. Au fond il n’y a qu’un seul
dogme dans le christianisme, tous les autres ne font que le développer, et
c’est encore une fois le christ lui-même : « Dieu qui se fait Homme
pour que l’Homme puisse recevoir dans l’église l’Esprit de vie ».
Si l’église a dogmatisé,
c’est parce qu’il fallait éviter que l’accès au mystère ne fût compromis par
des explications rationnelles, unilatérales ou réductrices. Encore a-t-elle eu soin de
crucifier l’entendement humain par la négation et l’antinomie.
Hélas beaucoup de
théologiens protestants et maintenant catholiques, estiment que les dogmes des
sept conciles oecuméniques n’ont plus de sens pour l’homme d’aujourd’hui.
Nous devons retrouver leur mouvement profond, leur langage d’émerveillement et de louange, pour l’exprimer dans le langage de notre temps.
(Propos du Patriarche Athénagoras - 1969)