Eglise : Ferment dans le pâte du monde (Patriarche Athénagoras)

Eglise et science

« la technique et la science ne suffisent pas pour édifier une civilisation nouvelle mondiale. Une civilisation est impossible sans une base spirituelle. Sinon c’est l’affrontement sans issue d’un conservatisme peureux, qui peut devenir étouffant, et d’une révolution destructrice.

Au cœur de l’humanité en voie d’unification doit se trouver l’église indivisée. Son action sera celle d’un ferment, elle n’exigera rien, n’imposera rien : Elle rayonnera le sens, la liberté et l’amour, elle favorisera la fraternité des peuples à l’image de la communion Trinitaire, elle dévoilera dans la résurrection le sens ultime de la science et de la technique. Eglise sœur, peuples frères, tels devraient être le message de l’église.

Former des chrétiens responsables, c’est leur donner l’exigence de la justice, non comme idole, mais comme expérience de l’amour.  Cette âme captive qui cherche sa libération, elle a besoin, pour son existence de créature, de certaines conditions terrestres.

Lorsque nous habillons ceux qui sont nus, lorsque nous nourrissons ceux qui ont faim et abritons les sans-logis, c’est au Christ lui-même que nous le faisons. Dans l’histoire du monde chrétien, chez les pauvres, dans le peuple russe notamment, la mise en commun des biens telle qu’elle se pratiquait dans l’église originelle de Jérusalem, est resté l’idéal non d’un système économique, mais de la victoire volontaire sur l’égoïsme, et l’avidité pour que qu’il y ait unanimité dans l’amour.

Les pères ont souligné le caractère relatif de la propriété privée et que l’aumône véritable doit être partage. Aujourd’hui cette inspiration est plus que jamais nécessaire. L’écart s’accentue entre les nantis et les affamés.

Quelques pays riches ou l’on produit en plus sans savoir pourquoi, ou l’on dépense des trésors en publicité pour obliger les gens à acheter des choses dont ils n’ont pas besoin, de l’autre cotés des millions d’hommes dégradés physiquement et moralement par la misère, des civilisations entières de prolétaires, les femmes déchues par la faim, les enfants atrophiés par la nuits…

La technique  connaît un essor inouï, mais sans autre finalité qu’elle-même. Le problème est global : le sous-développement spirituel des riches conditionne le sous-développement matériel des pauvres.

C’est pourquoi la formation de l’homme intérieur a tant d’importance. Seule la force de l’esprit peut maîtriser la technique et répondre aux deux problèmes fondamentaux de notre époque : le problème social du tiers-monde, et le problème du sens de la vie dans les pays riches.

Il ne faut pas opposer vie intérieure et amour actif. Plus le sens de la vie plonge ses racines au-delà de l’histoire, plus elle peut susciter dans l’histoire un vrai service de vie.

L’église doit provoquer dans tous les domaines cet amour créateur. Sans espoir certes d’une réussite totale et stable dans l’histoire, ce serait méconnaître les dimensions du mal, mais selon une vision totale de l’homme vivifié par l’esprit, de l’homme qui a besoin de pain, mais aussi d’amitié, et de beauté, de l’homme qui a un besoin d’infini.

( Patriarche Athénagoras - 1969)

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