Eglise un évènement !
Eglise comme évènement !
Elle est le rassemblement,
au moment où carillonnent les cloches, de tous ceux que le Christ appelle pour
le service divin.Rassemblement de personnes
qui se réunissent autour d’une personne divine pour entrer dans le mystère et
la joie de sa présence.
Un
appel à entrer dans une vie nouvelle en Christ
Elle est un événement,
l’événement de ceux qui se réunissent pour s’unir à Dieu, pour s’unir entre
eux, afin de vivre, dans le moment présent les grands épisodes de la vie du
Christ (incarnation, Résurrection, Pentecôte), renouvelé lors de chaque
rassemblement liturgique.
«La lumière de
Le seigneur Ressuscité vit
avec nous, et notre vie dans l’église est une vie mystérieuse en Christ. C’est
ce « en Christ », qui a valu à ceux qui vivent en Christ le nom de
chrétiens.
Dire « je crois en
Christ » ne fais pas forcément un chrétien ; celui-ci s’efforce de
vivre en Christ, à l’instar de saint Paul qui, au terme de son expérience
unitive avec son seigneur, s’écrie superbement : « ce n’est plus
moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ».
Lorsque saint Ignace
d’Antioche dit que « là où est le Christ, là est l’église, et là où est
l’église, là est le Christ », il formule à sa manière la parole du
Christ : « là où deux trois sont réunis en mon nom, je suis au
milieu d’eux ». « Si quelqu’un regarde vraiment l’église, il regarde
vraiment le Christ » disait saint Grégoire de Nysse.
L’église
dans la communauté humaine :
L’évangile nous offre deux
images de l’église : en Marthe, et en Marie ( Lc 10,38-42). Ces deux
images sont complémentaires.
L’organisation temporelle de
l’église, comme les activités caritatives, la mission, les relations avec le
monde, la culture, la science, ne doivent pas avoir le pas sur la conception
spirituelle et mystique ; car toute action entreprise dans le monde est
inséparable de sa communion avec le Christ et l’Esprit Saint, ces « deux
mains du Père »comme les désignait saint Irénée de Lyon, ces deux mains
par lesquelles le Père agit dans le monde pour y accomplir son dessein éternel de salut
de l’humanité.
Toute critique, attaque dirigée contre elle celle du rire de
Voltaire ou des « anti-Dieu » militants à l’intérieur du système
soviétique, ne peuvent atteindre son être profond qui se situe justement dans
cette relation à Dieu sans laquelle l’église n’existerait pas.
Dans les écritures, le mot
église revêt un double sens. Tantôt il s’agit d’une communauté locale, celle de
Corinthe ou d’Éphèse, les communautés locales étant liées entre elles par des liens
de foi, de prière, de charité lors des collectes organisées par saint Paul pour
porter à des frères en détresse dans l’église de Jérusalem. Tantôt, il s’agit
de son essence mystique, de ce qui donne sens et espérance à la vie même du
chrétien.
Dieu « n’a pas envoyé
son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit
sauvé par lui » écrit saint Jean. Le monde implique ici que le sort
de l’humanité dans sa globalité est en jeu lors de la venue sur terre de son
Rédempteur. Dieu est présent à tout homme qu’il a crée à son image.
Le Père
Boulgakov va jusqu’à dire que « tous les hommes appartiennent à l’humanité
du Christ, tous les hommes feront la rencontre avec le Christ ». Dans le
récit du jugement dernier, le Christ identifie sa personne à celle des
« plus petits frères », de tous les miséreux de la terre.
Vue
ainsi, l’église mystique ne coïncide pas avec l’église institutionnelle, elle
étend ses ramifications bien au-delà de celle-ci. Il
ne s’en suit pas un amoindrissement de l’église institutionnelle, unique
dépositaire de
Le chrétien est alors invité
à collaborer avec l’esprit pour inspirer à tous les hommes, connus de Dieu
seul, le désir de se laisser porter par cet immense souffle apte à allumer en
eux le feu de l’amour. Le rayonnement de l’église peut se déployer au-delà des
limites de l’institution et faire briller ici où là des îlots de sainteté.
Considérée dans sa totalité, l’humanité ne résume t-elle pas à cette brebis
pour laquelle le berger délaisse les 99 autres et s’élance à sa recherche, elle
est l’homme protéiforme à l’infini, cet « Adam total » cher à saint
Silouane, pour lequel il ne cessait d’intercéder.
La responsabilité de
l’église pour le monde, lui fait étendre son voile protecteur sur l’humanité
au-delà de l’espace et du temps. Chez saint Matthieu et saint Luc, les deux
généalogies du christ où figurent les ancêtres du Seigneur, donnent un
avant-goût de cet élargissement de la sainteté dans le temps et dans l’espace
puisque à côté des saints ancêtres qui ont préparés la venue du Messie,
figurent des ancêtres venus du paganisme comme la touchante Ruth.
Avec la descente du Christ,
ce sont maintenant tous les peuples de la terre que l’église est appelée à
baptiser, en faisant « de toutes les nations des disciples ».
La généalogie du christ à
venir au jour de la parousie s’étend maintenant jusqu’aux confins de l’univers.
La multitude des disciples, sous le régime de l’ancienne alliance, avait pour
tâche de préparer la venue du christ. La multitude des disciples aujourd’hui a
pour tâche, selon saint Pierre, de « hâter l’avènement du jour de
Dieu ». on demandait un jour à un prêtre russe combien il avait de fidèles
dont il avait la charge. Il répondit qu’il ne saurait le dire car il y avait
les défunts, les vivants, et aussi ceux à naître. L’Adam total s’inscrit bien
dans le temps comme dans l’espace.
Une
puissance de Résurrection
Saint Paul est l’auteur de
cette image : « Nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul
corps en christ » (Rm 12,5). Cette image établit un lien étroit intime,
entre le Christ et son église dont les membres sont greffés sur son corps.
On devient membre du Christ
en communiant au même calice. C’est par les sacrements que se forge l’unité
entre le Christ et l’église. Au cœur de la vie sacramentale rayonne
l’eucharistie. En communiant au sang du Christ, les chrétiens deviennent
spirituellement consanguins entre eux.
De la procède le fondement
d’unité des églises orthodoxes, unité non point imposée ou maintenue par
une autorité extérieure, mais une unité qui
sourd de l’intérieur de l’église, qui est son roc inébranlable, la communion
dans l’amour à travers l’eucharistie.
L’ecclésiologie sera donc
une ecclésiologie de communion, ou indépendamment des divisions et des
faiblesses, l’unité subsiste dans la communion au même calice.
Le rôle de l’esprit Saint,
cette autre main du Père, revêt une importance égale. « là où est
l’église, là est l’Esprit, et là où est l’Esprit, là est l’Eglise ». Tout
dans l’église est charismatique : « dans les derniers jours je
répandrais mon Esprit sur toute chose » prophétise Joël que cite l’apôtre
Pierre dans sa grande prédiction du jour de
L’église a aussi pour
fondement l’Esprit ; elle est un organisme vivant pour avoir reçu à
L’église est donc visible à
travers les assemblées concrètes sur terre, priant sur terre, et invisible,
composée d’anges, des saints, de la nuée des témoins autour du trône du
Seigneur.
Toute division entre le
visible et l’invisible s’efface. L’iconostase, les icônes, les fresques qui embellissent
nos lieux de prières rendent vivante, manifeste l’église au ciel ou se
célèbrent dans un élan commun les mêmes mystères que ceux célébrés par les
hommes sur la terre.
Celle-ci
est en quelque sorte communiquée à l’homme à l’instant de sa création,
elle n’est point un mystère extérieur à lui, mais un mystère enfoui
dans son
cœur qui prend vie dans les prières de l’église, ou dans cette fameuse
prière
du nom de jésus, ou prière du cœur, et qui a une structure trinitaire
avérée. Dans l’évangile se fait une révélation progressive de
Dans le
discours d’adieu du christ à ses disciples le message se précise,
Dans
Dans tout
dialogue inter-Eglises il convient de tenir les deux bouts de cette antinomie
en explorant à fond ce qui nous rattache à « l’Una Sancta », cette
église une, mystique, que nulle action humaine ne saurait diviser, car le Corps
du Christ ne se prête à aucune division, et en tenant compte de ses richesses
de chacune de nos traditions. Pour saint Serge de Radonège,
Le
mystère caché de toute éternité
La confession orthodoxe de
philarète de Moscou place le commencement de l’église au Paradis où, dans la
fraîcheur du soir, Dieu venait converser avec l’homme.
L’essentiel de l’église,
s’exprime dans la communion entre Dieu et l’homme. « Préfiguré dans l’état
édénique, anticipé prophétiquement dans l’ancienne alliance, elle s’accomplit
dans l’incarnation, et se dévoile dans
En effet, lorsque les temps
furent venus, le Père envoya son fils dans le monde pour réunir en un seul
corps les enfants de Dieu dispersés. Un jour, dans un discours centré précisément
sur l’église et sur la mission qu’elle aurait de lier ou de délier les péchés
des hommes, jésus lance cet appel : « là ou deux ou trois sont
réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ».
Dans la bible, il est dit
que Dieu est présent dans son nom. Se réunir en église autour du nom de jésus,
c’est bien se réunir autour de sa personne éternellement vivante.
Prenant naissance au
Paradis, l’église a une longue histoire. C’est à l’aune de l’éternité qu’il
convient de la juger. Son histoire est jalonnée de bien des malheurs, de bien
de manquements tragiques, mais aussi de bien de martyrs, de bien de preuve
d’amour.
« En Christ, Dieu nous
a élus avant la fondation du monde, pour que nous soyons irréprochables devant
Lui » (Eph 1,4).
Notre
marche commune vers le royaume
D’avec l’église telle que
nous la connaissons et la vivons aujourd’hui ? Nous savons que Moise
voyait la nuée lumineuse, interprétée en Orient comme une manifestation de
l’Esprit Saint, et il pouvait parler à Dieu. Or, il subsistait entre eux malgré
tout un abîme profond, insondable. Un abîme de transcendance. Cet abîme sera
comblé lorsque Dieu descendra sur terre, s’unira à sa créature jusqu’à assumer
la condition humaine dans tous ses aspects hormis le péché.
A l’instar de Moise, nous
aussi nous voyons Dieu, mais à travers la foi, cette démonstration des choses que
l’on ne voit pas ( Heb 11,1) ; nous aussi nous l’entendons nous parler, à
travers notre conscience, or en plus, le seigneur s’offre à nous, nous entrons
dans la communion la plus intime qui soit avec Dieu, les énergies divines nous
investissent, l’abîme d’antan est comblé et saint Paul peur
s’écrier : « c’ n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui
vit en moi ».
La
religion, en tant que telle, est dépassée, dans le sens ou le croyant n’est
plus « relié » à Dieu, puisque Dieu Lui-même, a fait sa demeure en
lui. Par là, la foi chrétienne, dans sa vie la plus intense, marque bien la fin
de toute religion, car se situant au-delà de tous les univers religieux.
L’église est
l’accomplissement du dessein éternel de Dieu. Elle n’a pas été fondée dans le temps,
elle est éternelle, en constant mouvement vers l’avant.
A quelques millénaires d’intervalle par rapport à nous, l’église de l’ancienne alliance à l’époque de Moise constitue une étape dans ce développement. Un fils conducteur nous unie à elle, dans notre marche en avant vers le Royaume.
(Propos du Père Paul Edvokimov)