Eglise un évènement !

Eglise comme évènement !

Elle est le rassemblement, au moment où carillonnent les cloches, de tous ceux que le Christ appelle pour le service divin.Rassemblement de personnes qui se réunissent autour d’une personne divine pour entrer dans le mystère et la joie de sa présence.

Un appel à entrer dans une vie nouvelle en Christ

Elle n’est pas simplement une institution, même si sa dimension institutionnelle est inséparable des conditions de vie sur la terre, ni une idéologie sociale, même si elle a pu influer sur la vie de la cité aux époques de chrétienté ; ni une morale, même si des confusions ont pu se faire avec des mouvements tels le jansénisme ou le puritanisme ; elle ne se réduit pas à une doctrine ou à un message ; elle est d’abord un élan de foi, une réponse à un appel à entrer dans une vie nouvelle en Christ, dirigée par l’Esprit Saint et orientée vers le Royaume du Père.

Elle est un événement, l’événement de ceux qui se réunissent pour s’unir à Dieu, pour s’unir entre eux, afin de vivre, dans le moment présent les grands épisodes de la vie du Christ (incarnation, Résurrection, Pentecôte), renouvelé lors de chaque rassemblement liturgique.

«La lumière de la Résurrection du Christ rayonne sur l’Eglise, et la joie de le Résurrection, du triomphe sur la mort la remplit » écrit le Père Boulgakov.

Le seigneur Ressuscité vit avec nous, et notre vie dans l’église est une vie mystérieuse en Christ. C’est ce « en Christ », qui a valu à ceux qui vivent en Christ le nom de chrétiens.

Dire « je crois en Christ » ne fais pas forcément un chrétien ; celui-ci s’efforce de vivre en Christ, à l’instar de saint Paul qui, au terme de son expérience unitive avec son seigneur, s’écrie superbement : « ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ».

Lorsque saint Ignace d’Antioche dit que « là où est le Christ, là est l’église, et là où est l’église, là est le Christ », il formule à sa manière la parole du Christ : « là où deux trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ». « Si quelqu’un regarde vraiment l’église, il regarde vraiment le Christ » disait saint Grégoire de Nysse.

L’église dans la communauté humaine :

L’évangile nous offre deux images de l’église : en Marthe, et en Marie ( Lc 10,38-42). Ces deux images sont complémentaires.

L’organisation temporelle de l’église, comme les activités caritatives, la mission, les relations avec le monde, la culture, la science, ne doivent pas avoir le pas sur la conception spirituelle et mystique ; car toute action entreprise dans le monde est inséparable de sa communion avec le Christ et l’Esprit Saint, ces « deux mains du Père »comme les désignait saint Irénée de Lyon, ces deux mains par lesquelles le Père agit dans le monde  pour y accomplir son dessein éternel de salut de l’humanité.

Toute critique, attaque dirigée contre elle celle du rire de Voltaire ou des « anti-Dieu » militants à l’intérieur du système soviétique, ne peuvent atteindre son être profond qui se situe justement dans cette relation à Dieu sans laquelle l’église n’existerait pas.

Dans les écritures, le mot église revêt un double sens. Tantôt il s’agit d’une communauté locale, celle de Corinthe ou d’Éphèse, les communautés locales étant liées entre elles par des liens de foi, de prière, de charité lors des collectes organisées par saint Paul pour porter à des frères en détresse dans l’église de Jérusalem. Tantôt, il s’agit de son essence mystique, de ce qui donne sens et espérance à la vie même du chrétien. 

Tous les hommes feront la rencontre avec le Christ

Dieu « n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu’il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » écrit saint Jean. Le monde implique ici que le sort de l’humanité dans sa globalité est en jeu lors de la venue sur terre de son Rédempteur. Dieu est présent à tout homme qu’il a crée à son image.

Le Père Boulgakov va jusqu’à dire que « tous les hommes appartiennent à l’humanité du Christ, tous les hommes feront la rencontre avec le Christ ». Dans le récit du jugement dernier, le Christ identifie sa personne à celle des « plus petits frères », de tous les miséreux de la terre.

Vue ainsi, l’église mystique ne coïncide pas avec l’église institutionnelle, elle étend ses ramifications bien au-delà de celle-ci. Il ne s’en suit pas un amoindrissement de l’église institutionnelle, unique dépositaire de la Bonne nouvelle du salut, déjà engagée sur une voie d’éternité car « les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle ». Mais l’Esprit souffle ou il veut, nul ne sait d’où il vient et où il va.

Le chrétien est alors invité à collaborer avec l’esprit pour inspirer à tous les hommes, connus de Dieu seul, le désir de se laisser porter par cet immense souffle apte à allumer en eux le feu de l’amour. Le rayonnement de l’église peut se déployer au-delà des limites de l’institution et faire briller ici où là des îlots de sainteté. Considérée dans sa totalité, l’humanité ne résume t-elle pas à cette brebis pour laquelle le berger délaisse les 99 autres et s’élance à sa recherche, elle est l’homme protéiforme à l’infini, cet « Adam total » cher à saint Silouane, pour lequel il ne cessait d’intercéder.

La responsabilité de l’église pour le monde, lui fait étendre son voile protecteur sur l’humanité au-delà de l’espace et du temps. Chez saint Matthieu et saint Luc, les deux généalogies du christ où figurent les ancêtres du Seigneur, donnent un avant-goût de cet élargissement de la sainteté dans le temps et dans l’espace puisque à côté des saints ancêtres qui ont préparés la venue du Messie, figurent des ancêtres venus du paganisme comme la touchante Ruth.

Avec la descente du Christ, ce sont maintenant tous les peuples de la terre que l’église est appelée à baptiser, en faisant « de toutes les nations des disciples ».

La généalogie du christ à venir au jour de la parousie s’étend maintenant jusqu’aux confins de l’univers. La multitude des disciples, sous le régime de l’ancienne alliance, avait pour tâche de préparer la venue du christ. La multitude des disciples aujourd’hui a pour tâche, selon saint Pierre, de « hâter l’avènement du jour de Dieu ». on demandait un jour à un prêtre russe combien il avait de fidèles dont il avait la charge. Il répondit qu’il ne saurait le dire car il y avait les défunts, les vivants, et aussi ceux à naître. L’Adam total s’inscrit bien dans le temps comme dans l’espace.

Une puissance de Résurrection

Saint Paul est l’auteur de cette image : « Nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en christ » (Rm 12,5). Cette image établit un lien étroit intime, entre le Christ et son église dont les membres sont greffés sur son corps.

On devient membre du Christ en communiant au même calice. C’est par les sacrements que se forge l’unité entre le Christ et l’église. Au cœur de la vie sacramentale rayonne l’eucharistie. En communiant au sang du Christ, les chrétiens deviennent spirituellement consanguins entre eux.

De la procède le fondement d’unité des églises orthodoxes, unité non point imposée ou maintenue par une  autorité extérieure, mais une unité qui sourd de l’intérieur de l’église, qui est son roc inébranlable, la communion dans l’amour à travers l’eucharistie.

L’ecclésiologie sera donc une ecclésiologie de communion, ou indépendamment des divisions et des faiblesses, l’unité subsiste dans la communion au même calice. L’église est à la fois une puissance de Résurrection, sacrement du Ressuscité qui nous communique sa résurrection, et une Pentecôte continuée.

Le rôle de l’esprit Saint, cette autre main du Père, revêt une importance égale. « là où est l’église, là est l’Esprit, et là où est l’Esprit, là est l’Eglise ». Tout dans l’église est charismatique : « dans les derniers jours je répandrais mon Esprit sur toute chose » prophétise Joël que cite l’apôtre Pierre dans sa grande prédiction du jour de la Pentecôte.

L’église a aussi pour fondement l’Esprit ; elle est un organisme vivant pour avoir reçu à la Pentecôte les dons de l’Esprit, renouvelés à chaque demande formulée dans l’épiclèse. Elle ne doit pas être considérée comme une organisation purement humaine comme il y en a beaucoup,  elle est une institution divino-humaine.

L’église est donc visible à travers les assemblées concrètes sur terre, priant sur terre, et invisible, composée d’anges, des saints, de la nuée des témoins autour du trône du Seigneur.

Toute division entre le visible et l’invisible s’efface. L’iconostase, les icônes, les fresques qui embellissent nos lieux de prières rendent vivante, manifeste l’église au ciel ou se célèbrent dans un élan commun les mêmes mystères que ceux célébrés par les hommes sur la terre.

L’église, image de la Sainte Trinité

« faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance » nous dit la bible. L’emploi du pluriel ici incite à penser que l’homme a été crée à l’image et à la ressemblance de la Saint Trinité.

Celle-ci est en quelque sorte communiquée à l’homme à l’instant de sa création, elle n’est point un mystère extérieur à lui, mais un mystère enfoui dans son cœur qui prend vie dans les prières de l’église, ou dans cette fameuse prière du nom de jésus, ou prière du cœur, et qui a une structure trinitaire avérée. Dans l’évangile se fait une révélation progressive de la Trinité, à partir du baptême du Jourdain, où apparaît avec clarté publiquement devant eux ceux qui ont vu la colombe se posait sur le christ et entendu la voix du Père.

Dans le discours d’adieu du christ à ses disciples le message se précise, la Trinité est dévoilée dans les propos du Seigneur avec des accents de profonde compassion : « Je prierai le Père, et il vous donnera un autre Consolateur…L’Esprit de Vérité….Je ne vous laisserai pas orphelins ». La Trinité est effectivement agissante dans tous les sacrements de l’église, et pour ce qui concerne l’eucharistie, à travers les paroles de l’institution, la demande de l’épiclèse (l’invocation de l’Esprit Saint) et la prière du Seigneur (le Notre Père) adressée au Père.

Dans la Trinité est révélée le rôle unique, irremplaçable de la personne dans son autonomie, chaque hypostase a sa personnalité propre, mais saisie dans ses liens de communion avec les deux autres, les trois ne font qu’un. Les flammes de la Pentecôte aident à comprendre comment peut être dépassée l’antinomie entre l’unité, le feu de l’Esprit étant identique pour tous, et la diversité, puisque chaque apôtre reçoit sa propre langue de feu qui lui est personnellement destinée.

Dans tout dialogue inter-Eglises il convient de tenir les deux bouts de cette antinomie en explorant à fond ce qui nous rattache à « l’Una Sancta », cette église une, mystique, que nulle action humaine ne saurait diviser, car le Corps du Christ ne se prête à aucune division, et en tenant compte de ses richesses de chacune de nos traditions. Pour saint Serge de Radonège, la Trinité est offerte pour chasser l’odieuse division parmi les hommes, et s’érige en image absolue de l’amour.

Le mystère caché de toute éternité

«L’agneau a été immolé avant la création du monde » est-il écrit dans la première épître de Pierre et dans l’apocalypse. C’est en vue de l’incarnation que le monde a été crée, dans ce désir en Dieu de partager avec sa créature l’amour dont il déborde.

La confession orthodoxe de philarète de Moscou place le commencement de l’église au Paradis où, dans la fraîcheur du soir, Dieu venait converser avec l’homme.

L’essentiel de l’église, s’exprime dans la communion entre Dieu et l’homme. « Préfiguré dans l’état édénique, anticipé prophétiquement dans l’ancienne alliance, elle s’accomplit dans l’incarnation, et se dévoile dans la Cité céleste » (Paul Evdokimov).

En effet, lorsque les temps furent venus, le Père envoya son fils dans le monde pour réunir en un seul corps les enfants de Dieu dispersés. Un jour, dans un discours centré précisément sur l’église et sur la mission qu’elle aurait de lier ou de délier les péchés des hommes, jésus lance cet appel : « là ou deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux ».

Dans la bible, il est dit que Dieu est présent dans son nom. Se réunir en église autour du nom de jésus, c’est bien se réunir autour de sa personne éternellement vivante.

Prenant naissance au Paradis, l’église a une longue histoire. C’est à l’aune de l’éternité qu’il convient de la juger. Son histoire est jalonnée de bien des malheurs, de bien de manquements tragiques, mais aussi de bien de martyrs, de bien de preuve d’amour.

« En Christ, Dieu nous a élus avant la fondation du monde, pour que nous soyons irréprochables devant Lui » (Eph 1,4). L’église peut faillir à sa mission de sainteté et de pureté, elle peut être violentée et soumise à des persécutions, mais les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle, elle a son origine au ciel où, à la fin des temps, elle retournera…

 
Notre marche commune vers le royaume

A la lecture de l’ancien testament, nous devons nous demander dans quelle mesure il nous livre un message, à nous homme du 21° siècle. Parmi les minutieuses prescriptions divines données à Moise pour l’agencement de la tente de la rencontre, qu’est-ce qui fait la différence

D’avec l’église telle que nous la connaissons et la vivons aujourd’hui ? Nous savons que Moise voyait la nuée lumineuse, interprétée en Orient comme une manifestation de l’Esprit Saint, et il pouvait parler à Dieu. Or, il subsistait entre eux malgré tout un abîme profond, insondable. Un abîme de transcendance. Cet abîme sera comblé lorsque Dieu descendra sur terre, s’unira à sa créature jusqu’à assumer la condition humaine dans tous ses aspects hormis le péché.

A l’instar de Moise, nous aussi nous voyons Dieu, mais à travers la foi, cette démonstration des choses que l’on ne voit pas ( Heb 11,1) ; nous aussi nous l’entendons nous parler, à travers notre conscience, or en plus, le seigneur s’offre à nous, nous entrons dans la communion la plus intime qui soit avec Dieu, les énergies divines nous investissent, l’abîme d’antan est comblé et saint Paul peur s’écrier : « c’ n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi ».
 

La religion, en tant que telle, est dépassée, dans le sens ou le croyant n’est plus « relié » à Dieu, puisque Dieu Lui-même, a fait sa demeure en lui. Par là, la foi chrétienne, dans sa vie la plus intense, marque bien la fin de toute religion, car se situant au-delà de tous les univers religieux.

L’église est l’accomplissement du dessein éternel de Dieu. Elle n’a pas été fondée dans le temps, elle est éternelle, en constant mouvement vers l’avant.

A quelques millénaires d’intervalle par rapport à nous, l’église de l’ancienne alliance à l’époque de Moise constitue une étape dans ce développement. Un fils conducteur nous unie à elle, dans notre marche en avant vers le Royaume.

(Propos du Père Paul Edvokimov)

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