Les Epreuves (Saint Silouane)
Après avoir rencontré Dieu, après
avoir connu la vie dans la Lumière qui irradie de son
Visage (du Christ), l'âme ne trouve désormais de repos ou de
satisfaction en aucune réalité de ce monde; rien ne peut plus la
contenter et, en même temps, elle est entourée par tout, sauf par Dieu.
Ce qu'elle a reconnu comme le mal, les ténèbres, l'action démoniaque,
tout cherche à l'ébranler; la torture infligée par les passions atteint
une extrême intensité, mais tout se passe comme si Dieu s'était
détourné de l'homme et ne prêtait pas la moindre attention à ses
appels. Comme un être sans défense, il se sent suspendu au-dessus d'un
abîme qui l'épouvante; il appelle Dieu à son secours, mais tous ses
cris restent sans réponse.
L'âme n'ignore pas qu'elle s'est détournée de l'amour de Dieu; elle est tourmentée par la conscience de son iniquité, cependant elle implore Dieu d'avoir pitié d'elle, mais en vain. Dieu se présente à l'âme comme pour l'accuser de son infidélité, et elle est écrasée sous le poids de ces accusations. Elle reconnaît la justice divine, mais cela n'amoindrit pas ses souffrances. L'âme souffre d'une manière intolérable.
Quel est le sens de tout cela ?
Le
Seigneur aime tous les hommes, mais il permet que des épreuves les frappent.
Ainsi, ils peuvent reconnaître leur impuissance et s’humilier, et, grâce à leur
humilité, recevoir le Saint Esprit. Et avec le Saint Esprit, tout va bien, tout
est plein de joie, tout est merveilleux.
Au
moment de l'épreuve, l'âme ne peut l'accepter comme une manifestation
de la miséricorde divine ou de la confiance de Dieu pour elle, comme
son désir de faire communier l'homme à la sainteté et à la plénitude de
vie qui est en Lui. L'âme ne sait qu'une seule chose: Dieu l'a
abandonné après lui avoir montré sa Lumière, rendant ainsi ses
souffrances bien plus profondes. Et quand elle est à bout de forces,
elle ne voit pas Dieu qui se penche miséricordieusement vers elle.
L'âme descend en enfer, capable d'y discerner la nature des ténèbres
qu'elle perçoit.
Si
quelqu’un souffre beaucoup de la pauvreté, de la maladie, et s’il ne s’humilie
pas, il souffre sans profit. Quant à celui qui s’humilie, il sera content de
son sort, quel qu’il soit, parce que le Seigneur est sa richesse et sa joie, et
tous les hommes s’étonneront de la beauté de son âme.
Tu
dis : « Ma vie est pleine de souffrance ». mais je te répondrai,
où plutôt le Seigneur Lui-même qui te dit : « Humilie-toi, et tu
verras que tes épreuves se changeront en repos », à tel point que tu
t’étonneras toi-même et que tu diras : « Pourquoi donc étais-je
autrefois tourmenté et affligé ? ». Maintenant tu es heureux parce
que tu es devenu humble et que la grâce divine est venue ; mais maintenant
quand bien même tu seras seul dans la pauvreté, la joie ne te quitteras pas,
car tu as dans l’âme cette paix dont le Seigneur a dit : « Je vous
donne ma paix ». Cest ainsi que le Seigneur donne la paix à toute âme
humble.
Ainsi
sont englouties les peines dans le cœur de l’homme humble, car la force du Seigneur est avec lui.
Le
Seigneur est clément, et pourtant il laisse l’âme souffrir de la faim à cause
de son orgueil et ne lui accorde pas la
grâce tant qu’il n’a pas appris l’humilité.
Et
lorsque par notre orgueil, nous nous éloignons du Seigneur, nous nous livrons
nous-mêmes aux tourments : l’angoisse, l’abattement et les mauvaises
pensées nous déchirent.
« L’âme
se tourmente sur terre, Seigneur, et ne peut fixer en Toi son esprit, parce
qu’il ne te connaît pas, ni Toi, ni Ta bonté. Notre esprit est obscurci par les
soucis du monde, et nous ne pouvons saisir la plénitude de Ton amour ».
Nous
souffrons parce que nous n’aimons pas nos frères. Le Seigneur dit :
« aimez-vous les uns les autres et vous serez mes disciples ». Quand
nous aimons nos frères, l’amour de Dieu vient en nous. L’amour de Dieu est
d’une grande douceur ; c’est un don du Saint Esprit, et on ne le connaît
en plénitude que par le Saint Esprit. Mais il y a un amour modéré, celui que
l’homme obtient quand il s’efforce d’accomplir les commandements du Christ et
craint d’offenser Dieu ; et cela est bien aussi. Il faut chaque jour s’efforcer au bien et, de toutes ses forces
apprendre l’humilité du Christ.
Le
Seigneur a dit : « Je vous donne ma Paix » (Jean 14,27). Cette
pais du Christ, il faut la demander à Dieu, et le Seigneur la donnera à celui
qui la demande. Lorsque nous la recevons, nous devons saintement veiller sur
elle et la faire croitre.
Celui
qui, dans ses afflictions, ne s’abandonne pas à la volonté de Dieu, ne peut
connaître la miséricorde divine. Si un malheur te frappe, ne te laisse pas
abattre, mais souviens-toi que le Seigneur te regarde avec bonté.
Le Seigneur nous aime plus qu’une mère n’aime ses enfants, et nous donne gratuitement la grâce du Saint Esprit ; mais nous nous devons fermement la garder, car il n’y a pas de plus grand malheur que de la perdre. Quand l’âme perd la grâce, sa souffrance est sans limites et elle pense : J’ai dû affliger le Seigneur ». Dans ces moments de douleur, il semble à l’âme qu’elle est tombé du Ciel sur la terre et qu’elle rencontre tous les souffrances de ce monde !
Par Archimandrite Sophrony
(Source : Starets Silouane - Vie et doctrine - écrits - Archimandrite Sophrony - Editions Présence - 1973)