Evangelisation de la mort

Introduction

De part les grandes et diverses améliorations apportées à la qualité et au maintient de la vie, nous voyons reculer un peu plus chaque année les limites de l'âge de vie. La veillesse s'allonge et l'imminence de la mort s'éloigne, mais l'une et l'autre sont de plus en plus cantonnés dans les hôpitaux et les maisons de retraite.

Face à la question de la souffrance des personnes handicapées lourdement et des malades en phase terminale, une société française de plus en plus déchristianisée, en perte de valeurs et de sens, angoissée à l'idée de la souffrance et de la mort, s'interroge sur le "droit à mourir".

Ecoutons le Père Marc Antoine Costa de Beauregard qui nous parle de la nécessité d'évangéliser la mort.

Evangélisation de la mort

Dans le monde entier des gens meurent comme des chiens. Le Christ est venu dan le monde par l’incarnation et envoie l’Esprit du Père pour que quelque chose change.

Le Christ est venu vaincre la mort, mort spirituelle, mort de l’âme, mais aussi vaincre ce qui dans la mort est faux : une conception de la mort comme anéantissement. Il est venu vaincre les ténèbres, l’erreur. Il est venu aussi donner par Sa vie, la vie dans la mort, que le trépas devienne vie, que l’agonie devienne rencontre avec le Père, avec l’Esprit Saint, avec le mystère de l’Eglise, avec le cosmos peut-être ?

Que l’agonie soit pour le croyant un lieu de témoignage, lieu de confession de la foi, du martyr.  Le chrétien vient pour que soit confessée la Résurrection.

La prière pour les malades ou pour les agonisants ne peuvent pas se comparer. Pour les malades on demande la guérison, en même temps que la grâce de vivre la souffrance en l’unissant à celle du Christ, en la vivant comme un chemin de résurrection. 

Pour les agonisants, il y  a des prières propres pour cette circonstance là. Les stoïciens se délivraient de la peur de la mort, de l’angoisse de l’agonie, avec cette pensée que lé mort est néant. Les chrétiens viennent avec le projet ambitieux d’annoncer la Résurrection dans cette agonie.

C’est un combat parce que la personne résiste, se révolte, ne veut pas mourir. Cette horreur de sa propre mort, qui est aussi une horreur pour ceux l’entourent, ne peut être minimisée. La prière de l’Eglise, l’attitude de l’Eglise, l’attitude sacramentelle et liturgique existent pour que tout autre chose se passe, presque miraculeusement.

Nous sommes chrétiens pour vivre ce que nous avons à vivre, notre mort ou notre vie, non de manière solitaire, individualiste. Ce n’est pas la peine d’être baptisés pour être complètement isolés. Nous devons chercher à vivre ecclésialement. Le Christ a créé cette double responsabilité : demander pour soi à être accompagné, dans ses joies et ses peines.

Le but de notre vie est de glorifier Dieu dans nos peines et dans nos joies. Nous ne pouvons pas faire cela seul, c’est presque surhumain. Nous le faisons ecclésialement. Le Christ est venu pour faire de l’agonie un  sacrement, une communion, une eucharistie. Et cela commence par la présence de la communauté.

La présence physique auprès des défunts est requise par nos pères. Le Christ nous dit d’être auprès des mourants et des malades. On n’a pas le droit de laisser un frère chrétien seul, mais on n’a pas le droit de laisser en frère sans pardon. Le Christ vient dans le monde et il pardonne.  Il remet les péchés et ouvre ainsi cette personne à recevoir l’Esprit Saint.

Le mourant a besoin du pardon, c’est pour cela qu’il a besoin que le prêtre vienne.  Toute la communauté souffre parce que le pardon a manqué. L’entourage aussi a besoin de ce pardon. Ce qui est effrayant dans le suicide, il n’y a pas d’accompagnement dans l’agonie. Il n’y a pas de pardon verbal.

Les personnes qui demeurent se sentent très difficilement pardonnée. Il y a des personnes qui traînent cela pendant des années, qui vivent sous le coup du suicide de leur fille, par exemple. Ce qui manque, c’est le pardon. Tant que cette femme n’aura pas eu le pardon, tant qu’elle n’aura pas cru que sa fille lui a pardonnée, elle ne sera pas libérée. Il y a une urgence du pardon pour celui qui part et pour celui qui reste. Ce pardon au moment de l’agonie prépare le deuil. 

Il y a cette conscience que l’on est autour de quelqu’un qui confesse la foi, et on l’aide par la prière à confesser la foi jusqu’au bout, à ne pas apostasier, à ne pas se révolter, à ne pas injurier Dieu, à ne pas blasphémer. Il nous appartient d’empêcher cela, que l’homme ne se souille pas en dernière instance par une révolte, un blasphème, mais qu’au contraire il se purifie à jamais par une glorification jusqu’au bout, s’intégrant à jamais au sacerdoce du Ressuscité.

C’est très beau quand un agonisant qui, au sein de ses souffrances,  continue de louer Dieu. Il aura cette attitude jusqu’au bout de dire, comme le Larron : « Souviens-toi de moi dans Ton Royaume ».  La communauté est là pour l’aider à porter un bon témoignage, à glorifier Dieu jusqu’au bout.

Il y a un moment où la vie sacramentelle irradie tellement la vie humaine que l’on ne peut pas faire la différence entre sacré et profane. Le Christ a totalement dépassé cela par l’amour.  Tant qu’on n’a pas l’amour, on reste dans cette différence.  Si on a l’amour, le bassin que l’on passe, le gant de toilette sur le front, etc, ce sont des sacrements. C’est le geste même que fait le Christ.

Cela suppose au niveau des accompagnants laïcs ou clercs le charisme de l’obéissance. Obéir au Christ qui nous appelle dans l’agonie de notre frère. Qu’est-ce qui nous fera surmonter nos répulsions et l’horreur devant notre propre mort ? La grâce de l’impassibilité, la grâce de la compassion, la grâce de l’obéissance du Christ souffrant et glorieux qui nous dit : viens, suis-moi, ce que tu fais, C’est à Moi, que tu le fais…..

Le charisme de l’obéissance nous rend digne d’approcher de la souffrance de nos frères, avec compassion et charité. Et nous verrons le Christ transfiguré.

L’Eglise prie pour que Dieu laisse partir le défunt. Au lieu de dire : on le retient, tu ne mourras pas, on dit : "laisse ton serviteur s’en aller en paix…….".

Saint Jean Chrysostome dit qu’il n’est pas chrétien de pleurer les défunts. C’est l’enseignement chrétien. On ne pleure pas les défunts, on les encense, on les honore, on les félicite : tu pars vers ton Dieu. Le Christ a pleuré sur Lazare, mais c’était avant sa propre résurrection.

La mort n’est pas une chose naturelle mais qu’elle a été donnée par Dieu à l’homme pour l’arrêter dans la transgression. La mort est dans le fond, même si c’est le signe du péché et de la chute, une bénédiction. Cela arrête l’homme dans son éloignement vers Dieu. Le trépas est présenté comme congé vers un lieu d’attente.

Ce qui est attendu est la Résurrection universelle, qui précède immédiatement le jugement. Endormissement, attente des saints, des croyants, de tous, et au-delà de ce jugement, la béatitude éternelle, selon le meilleur de l’espérance. « Laisse partir l’homme pour qu’il aille vers les élus ». Le départ d’un défunt n’est pas un départ vers le néant, dans la solitude. C’est aller vers un lieu de repos, où se trouvent les élus, vers l’Eglise.

Les prières pour les agonisants sont en particulier la préparation au jugement. L’être humain dans sa prière demande non seulement à Dieu seulement sa miséricorde, Son pardon ; il exprime l’appréhension qu’il a de se trouver devant le redoutable tribunal du Christ qui est le tribunal de l’amour, la Parousie.

Il y a la question de l’enfer qui se présente de manière très vive dans la conscience de l’Eglise.  

(Extrait des enseignements et cours théologiques du Père Marc Antoine Costa de Beauregard)

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