Magie et magisme
Le christianisme confesse que tout, en
ce monde, est soumis à la Divine Providence. Il n’est rien qui eut échappé à la
sollicitude sage et précise de notre Père Céleste. Même les peines et les
malheurs, même nos chutes spirituelles sont permis par Dieu pour nous ramener
possiblement à la raison. De sorte qu’on ne peut obtenir de bienfait véritable
sans se tourner personnellement vers Dieu.
L’homme est doté d’une volonté
propre, et il est libre de se tourner vers le Christ, quoiqu’il se produise
autour de lui (guerre, révolution, crise économique etc.) La vision du monde
magique (1) suppose qu’il n’y a pas de Providence Divine, ni liberté,
mais une force secrète, cachée qui embrasse toute la création de façon
invisible. Les gens, les esprits invisibles, les éléments de la nature, tout
est soumis aux lois occultes. Celui qui a trouvé la clé de ces lois contrôle le
monde.
Pour le magisme (2),
les gens eux-mêmes ne sont rien de plus que des poupées vivantes reliées à un
marionnettiste invisible. Avec l’aide de la magie, on peut tirer sur le bon fil
et la poupée vivante aura beau se débattre, l’action sera imparable : la
maladie, le mauvais sort, l’attirance sexuelle débridée, etc. Il est étonnant
d’observer que beaucoup d’incantations se font justement à l’aide de fil et de
nœuds.
Le processus de nouer, en particulier, se comprend comme celui de jeter ou d’enlever un sort : « Le malade noue un fil autour de lui, et la maladie est nouée en conséquence. Il est lié, la maladie l’est aussi ; si on enlève le fil, la maladie part avec lui ; le fil est jeté, enfoui dans la terre, on le met dans le trou d’un arbre que l’on bouche ensuite, avec le fil, on jette et on enfouit dans la terre la maladie liée. »
(Eleonskaïa E.N. Le conte, l’incantation
et la sorcellerie en Russie. M ;1994. P.174)
Les principes du magisme sont bien mis en évidence dans la fameuse légende
du Joueur de flûte de Hamelin.
L’histoire, qui reste une énigme pour les savants jusqu’à présent, est déjà
relatée dans les chroniques du moyen âge. Le 26 juin 1284 (même la date est
notée), dans la ville allemande de Hamelin, un musicien charmeur de rats emmena
avec lui, au son de sa flûte, 130 enfants qui disparurent sans laisser de
traces. Auparavant, la ville était infestée de rats, dont l’invasion, au
Moyen-âge, prenait parfois des allures d’épidémie.Le maire promit une grande
récompense à qui en délivrerait sa ville. C’est alors qu’apparut le flûtiste
qui demanda, en cas de succès, qu’on lui donnât autant d’or qu’il pourrait en
porter. Les notables tombèrent aussitôt d’accord.
Le charmeur de rats prit sa
flûte magique, au son de laquelle tous les rats accoururent à sa suite, ensorcelés
par sa musique, et il les emmena hors de la ville. Pendant ce temps, le maire
regrettait la promesse donnée un peu vite et refusa au flûtiste sa récompense.
Réapparaissant un peu plus tard, l’attrapeur de rats de Hamelin joua à nouveau
de la flûte, mais cette fois, ce furent les enfants de la ville qui s’enfuirent
à sa suite et qu’il emmena qui dans la rivière, qui dans une gorge dans la
montagne, où ils périrent.
Les savants donnent plusieurs versions, essayant
d’élucider cette histoire ; ils supposent que ce conte peut être le reflet
voilé soit de la croisade des enfants, soit de la déportation de prisonniers
après une défaite, soit de la mort d’enfants sous un glissement de terrain dans
les montagnes, amenés par un musicien à une fête dans une combe marécageuse…
Pour ce qui
est des rats, on dit qu’ils réagissent aux ultrasons, émis par les flûtes
d’étain en usage à cette époque chez les attrapeurs de rats. Cet évènement est
représenté sur un vitrail de l’église d’Hamelin, exécuté aux environs de 1300,
et les gens de l’époque le ressentaient comme la manifestation d’envoûtements
magiques. C’est qu’en effet dans l’occultisme, précisément l’accomplissement
d’un certain type d’action, de rituel magique entraîne obligatoirement les
conséquences qu’on pouvait attendre dans la vie des gens (dans la légende de
Hammelin, la disparition des enfants).
Si, dans le
christianisme, l’accomplissement spirituel dépend de l’ouverture du cœur de
l’homme au Christ, dans la mesure où il obéit
à ses commandements et tend vers Dieu, la magie est d’une rare indifférence à
Dieu. Ce n’est pas que la magie confesse l’athéisme, il arrive que le nom de
Dieu soit évoqué dans les incantations et celui qui en est l’objet est appelé
serviteur de Dieu, mais le but de la magie porte un caractère exclusivement
terrestre. Ici, tout s’obtient par un effort passionné en rupture avec le monde
spirituel : obtenir succès, argent, santé, les bonnes dispositions de l’être
aimé etc.
Ce n’est pas une relation vivante avec Dieu mais l’action d’un ensemble de
règles, l’effet de ses rituels que confesse la magie. Si dans le christianisme,
la perfection spirituelle dépend de la rencontre personnelle et de l’union de
l’âme avec Dieu, dans la magie, il est question de technologie et de rituels mystérieux.
Soulevons le voile.
Par essence, tous le savoir mystérieux de la magie contemporaine se réduit à
celui d’une pyramide de sorcellerie. Cette pyramide de sorcellerie, ce sont les
autre « vérités » prises en compte dans les rituels magiques : l’imagination,
l’effort de volonté, la foi dans la magie et l’observation du secret. Pour une
sorcellerie efficace, le mage doit avoir, en premier lieu, une riche
imagination, de la fantaisie, et présenter les objets et personnes
indispensables d’une façon esthétique et émotionnelle ; ensuite, il concentre
toute son attention, toute sa volonté sur l’acte magique ; troisièmement, il y
croit dur comme fer (mais pas en Dieu, même s’il en évoque le nom), il croit
que sa parole sera réalisée, et enfin, il ne révèle ses secrets à personne.
C’est pourquoi nous ne rencontrerons là pas un seul rayon de lumière venu du
Ciel, nous n’y trouverons ni l’aide Divine, ni la consolation spirituelle qui
sont données en réponse à la prière pure et paisible du chrétien.
Les chercheurs remarquent que la magie reconnaît plusieurs sphères dans
l’ordonnancement du monde. Dans les sphères supérieures habitent de bons
esprits, dans l’inférieure de méchants démons. Su le christianisme témoigne que
les esprits obscurs résident dans une sphère fondamentalement différente des
anges lumineux (les premiers dans la zone sous le ciel, les seconds dans les
cieux) et que pour être en contact avec les seconds, il faut mener une vie pure
et prier avec ferveur, dans la magie, la situation est totalement différente.
La magie considère qu’à l’aide de cérémonies secrètes, on peut entrer en
contact avec des esprits invisibles, pas seulement les mauvais, mais aussi les
bons, et recevoir soi-disant leur aide. Qui plus est, avec les esprits, on peut
conclure un accord, et alors le mage les gouverne dans son intérêt, ils
appartiennent au sorcier pendant sa vie, et après sa mort, c’est lui qui leur
appartient éternellement. Mais à ce dernier point, le sorcier ne pense pas
précisément. Il pense que si le monde est soumis aux esprits, et les esprits
aux invocations, alors celui qui sait les manier devient pour lui-même le roi
et Dieu.
Bien sûr, c’est une erreur profonde de considérer que l’on peut se rendre
favorables les bons esprits par des rituels et des invocations. Car pour avoir
commerce avec les anges, il faut être fidèle à Dieu, que servent les anges, il
faut prier sincèrement et se débarrasser des passions charnelles et
spirituelles, et non faire des passes magnétiques, chuchoter ou respirer des
fumées de parfum d’outremer. Et les esprits qui se font passer pour bons aux
yeux du mage, ne sont pas si bons qu’ils n’en ont l’air.
Le paganisme confessait le polythéisme, avec de nombreux dieux. Et si la Révélation divine témoigne d’un Dieu qui domine notre monde créé, dans le paganisme, les dieux ne sont qu’une partie du monde matériel ou des astres te des étoiles. Les dieux, dans la conception païenne, sont aussi limités, dépendants du destin et de toutes sortes d’avatars ce qui signifie que, dans un certain sens, ils peuvent être dirrigés.
La
magie s’adresse à des esprits
invisibles, à des « petits dieux » proches de ces gens, mais dans le
but de les
obliger à servir les intérêts terrestres de l’homme. De sorte
que, dans la magie, on trouve la tentative de dirriger sa propre vie
et le monde extérieur sans obéir à Dieu et, au lieu de l’union avec
Lui,
d’atteindre la perfection pour son propre compte. Pour autant que de
tels
objectifs, dans la réalité de l’homme déchu, ne peuvent être atteints,
l’imitation du pouvoir et de la perfection est assurée par les esprits
déchus.
Souvenons-nous de la façon dont Satan a tenté Jésus-Christ Lui-même :
« Et
le diable Lui dit : Je Te donnerai pouvoir sur tous ces royaumes, et leur
gloire, car elle m’appartient et je la donne à qui je veux. Si tu te prosternes
devant moi, tout cela sera à Toi. » (Luc 4 : 6-7). Le Christ rejeta
fermement le tentateur, mais ce même séducteur propose aux gens la même
tentation sous forme de savoirs occultes, de développement extrasensoriel et de
« pouvoir » sur le monde.
La question se pose souvent : existe-t-il, dans la magie, un rituel de
consécration de son âme au diable ?
Et en existe effectivement un, à la vérité dépourvu de ces ornements
mythologiques sur l’apparition du diable à l’état de veille et l’établissement
d’un « contrat » mutuel. C’est seulement un rituel d’actes particuliers de
l’ordre de la magie noire, que nous ne décrirons pas et à travers lesquels la
malheureuse personne consacre son âme au diable. On suppose que le prix
éphémère du « contrat », c’est la force et la puissance sur les autres et sur
la nature, (rendre malade ou soigner à volonté), le prix éternel, les tourments
infernaux.
Prêtons encore une fois attention à la vérité fondamentale du magisme. Pour le
mage, ce qui est important, ce ne sont pas les valeurs morales et le contenu
spirituel du monde invisible., il reconnaît l’action d’un système de lois qui,
par l’effet de passes magiques déterminées, doivent obligatoirement entraîner
les conséquences désirées. De telle sorte que, dans la magie, ce qui compte,
c’est l’accomplissement correct du rituel.
C’est en cela que réside la
différence essentielle avec les sacrements de l’Eglise, qui n’ont pas d’effet
sur l’homme sans vivanterelation avec Dieu. Même si les rituels extérieurs sont
strictement observés, pour l’eucharistie, par exemple, le sujet peut ne pas
entrer en communion avec le Christ, s’il n’en est pas digne. L’effet des sacrements
sur le chrétien est directement lié à son état intérieur, à sa relation
personnelle avec le Christ. Dans la magie, tout cela n’est pas important : les
formules sont appliquées, on y croit, on n’a besoin de rien d’autre.
Malheureusement, il arrive que des chrétiens aient une perception magique
des sacrements de l’Eglise, quand le baptême, la communion, le mariage sont
considérés comme des moyens d’agir sur notre fortune terrestre, par la vertu de
leur seule administration.
On se fait baptiser, et on est protégé de toutes les tentations, on communie,
et on ne sera plus malade, on se marie religieusement, et on ne sera plus
exposé au divorce, ainsi le suppose la conscience magique de la personne
superstitieuse. Il arrive souvent que cette personne ne soupçonne pas (et
peut-être est-elle en lutte active contre les sorciers et les magiciens)
qu’elle est la victime d’une vision magique du monde. Le magisme se fait jour,
par exemple, dans des phrases de cet ordre :
« Fais baptiser tes enfants, ils seront
de toute manière moins malades » (et si tu ne l’as pas encore fait, ne laisse
personne approcher d’eux, pour éviter un mauvais sort.) « Mets un cierge et tu
auras ton examen. », « Prends obligatoirement de l’eau bénite, elle protège du
mauvais œil. ». C’est-à-dire que le magisme apparaît quand on oublie Dieu et
qu’on n’envisage plus que le rituel apparent, et aussi quand on attend du
domaine spirituel un bénéfice terrestre et mercantile.
Il en est de même lorsque la lecture complète des prières prescrites est perçue
comme la garantie de tous les succès possibles, comme une sorte de placement
qui oblige les forces spirituelles à exaucer tous nos désirs. Même les offices
à l’église sont parfois perçus par certains comme quelque chose de magique, un
théâtre d’une esthétique ancienne et peu compréhensible qui procure à l’homme
une force invisible. Il est important que le chrétien le garde à l’esprit :
dans la prière, le plus important, c’est de communiquer avec Dieu, qui sait
comment organiser la vie de l’homme. C’est à Lui que nous confions notre vie et
nos succès. A travers les rites de l’Eglise, l’homme se hausse en son âme
jusqu’à Dieu, et Dieu regarde en son cœur et pour cette raison, octroie sa
grâce dans la mesure de la relation vivante qu’Il a avec cet homme.
Il en est de même lorsque la lecture complète des prières prescrites est perçue
comme la garantie de tous les succès possibles, comme une sorte de placement
qui oblige les forces spirituelles à exaucer tous nos désirs. Même les offices
à l’église sont parfois perçus par certains comme quelque chose de magique, un
théâtre d’une esthétique ancienne et peu compréhensible qui procure à l’homme
une force invisible. Il est important que le chrétien le garde à l’esprit :
dans la prière, le plus important, c’est de communiquer avec Dieu, qui sait
comment organiser la vie de l’homme. C’est à Lui que nous confions notre vie et
nos succès. A travers les rites de l’Eglise, l’homme se hausse en son âme
jusqu’à Dieu, et Dieu regarde en son cœur et pour cette raison, octroie sa
grâce dans la mesure de la relation vivante qu’Il a avec cet homme.
Le magisme de beaucoup de nos contemporains s’exprime en ceci que, par exemple,
quelqu’un s’imagine être malade parce que quelqu’un lui veut du mal, ou bien,
qu’à Dieu ne plaise, lui a jeté un sort. De cette façon, la malade oublie la Providence Divine, il oublie que Dieu
s’occupe de nous par le moyen de nos peines et de nos maladies. Il focalise à
tort son attention sur la représentation magique des liens de cause à effet qui
unissent les incantations, les malédictions et les mauvaises intentions à nos
malheurs et à nos maladies. Une parole étrangère ou le mauvais œil semblent la
cause première de nos souffrances, cependant les saints pères appelaient les
peines une visite divine : c’est justement au moment où elles arrivent que
s’éduque l’âme du chrétien, quand il se détourne des vains efforts terrestres
pour orienter son âme vers ce qui est éternel.
Les gens dont la conscience est magique pensent à Dieu de façon distraite,
impersonnelle et souvent, n’y pensent même pas. Dans les meilleurs cas,
ils se représentent la Divinité comme un principe supérieur, selon lequel notre
vie doit s’organiser, comme une sorte de loi cosmique, dont l’infraction
entraîne des souffrances mais n’y remarquent point d’élément personnel
supérieur. C’est pourquoi ils ne savent pas demander quelque chose à Dieu et ne
savent pas ce que c’est que d’avoir confiance en Lui dans sa vie. Remarquons en
passant que les chrétiens qui n’ont pas le sentiment vivant, quand ils prient,
de se tenir devant Dieu, qui se fient au texte des prières comme agissant de
lui-même et prononcent les mots de la prière seulement par habitude, pour
observer le rite, sont sur la pente qui conduit à une compréhension magique du
monde spirituel.
Et si quelqu’un suppose qu’il est capable d’atteindre des sommets spirituels
par ses seuls efforts, si la perfection est considérée comme une sorte de
méthode d’évolution spirituelle, alors là aussi, il y a un élément de magie.
Car le résultat est censé provenir des seuls efforts humains, des formules orales
et des passes, tandis que le cœur et ses sentiments, l’esprit et ses pensées,
la volonté te ses désirs restent privés de relation vivante avec Dieu.
La vie spirituelle authentique est fondée sur le fait de se confier à Dieu
(c’est-à-dire le fait de Lui remettre sa participation), de s’adresser à Lui de
tout son cœur, et de remplir Ses commandements, et non sur l’accomplissement
mécanique de rituels et la prononciation machinale de prières, même les plus
orthodoxes. L’accomplissement chrétien véritable est l’action transfigurante de
Dieu sur l’âme humaine, que l’homme ou bien facilite, ou bien ne permet pas. Et
toute la plénitude de la vie de l’Eglise, avec ses services divins et ses
sacrements, avec ses traditions et ses rites, avec ses prières et sa culture
spirituelle, se révèle le moyen par lequel l’âme humaine doit s’ouvrir, dans
son élévation libre, ardente et sincère vers le Père Céleste.
.................
(1) La magie (lat. Magia. Sorcellerie, magie) est un ensemble de rites
et d’actions qui se donnent pour but d’influer sur le milieu ambiant avec
l’aide de forces mystérieuses. Ce sont les invocations, les conjurations, le
fait de jeter ou de neutraliser des sorts, et tous les rituels correspondants
possibles et imaginables (par exemple faire des nœuds, écrire des mots
déterminés, des schémas), et aussi les instruments adéquats : talismans,
couteaux, aiguilles, os, cheveux, sang, résine, herbe etc.
En général, on se tourne vers la magie quand on cherche un moyen pratique de
s’en sortir qui n’exige pas de grands efforts spirituels. C’est en effet si
simple, prononcer une formule magique, souffler, cracher, et croire que tout va
s’arranger ! Cependant, derrière la magie, se cache toute une vision du monde
(c’est ce que l’on peut précisément appeler le magisme). Cela vaut la peine
d’être approfondi pour mieux comprendre les différences entre le magisme et la
foi chrétienne.
(2)La magie et le magisme ce n’est vraiment pas la même chose. La magie,
c’est une pratique occulte, et le magisme, une vision du monde, construite sur
les principes de la magie. Il arrive que quelqu’un qui ne s’est jamais occupé
de magie, dans sa vision du monde ses actes et ses opinions, fasse preuve d’un
évident magisme. De nos jours, il est important de faire cette différence, dans
la mesure où, souvent, on prend la religion elle-même pour quelque chose de
magique.
Auteur : Valeri Doukhanine (docteur
en théologie)
(Extrait du site : http://www.egliserusse.eu/blogdiscussion/)