Pardon chrétien

Le pardon offert et accepté

Cependant le pardon ne doit pas seulement être offert mais accepté. Dieu frappe à la porte du coeur humain (Ap 3,20), mais il ne force pas sa porte ; nous devons de notre côté l'ouvrir.C'est p récisément là que nous trouvons le sens véritable du mot « comme » dans la Prière du Seigneur. Si en dépit du constant désir de Dieu de pardonner, nous, de notre côté, nous durcissons nos coeurs et refusons aux autres le pardon, nous nous rendons tour simplement incapables de recevoir le pardon divin. En fermant notre coeur aux autres, nous le fermons aussi à Dieu ; en rejetant les autres, nous le rejetons aussi. Si nous ne pardonnons pas, nous plaçons cet acte hors du mouvement de l'amour qui guérit. Dieu ne nous exclut pas, cest nous qui nous excluons nous-mêmes.

Notre pardon envers les autres n'est pas la cause du pardon de Dieu envers nous, mais c'est certainement la condition sans laquelle le pardon de Dieu ne peut pénétrer notre intériorité. Le pardon divin est véritablement un libre don que nous ne pourrons jamais gagner. Ce qui compte pour nous, ce nest pas le mérite mais la capacité. Notre relation à Dieu et notre relation à nos compagnons humains sont de cette manière interdépendantes. Comme le disait saint Silouane du Mont Athos : « notre frère est notre vie ». Cela est vrai au sens ontologique et sentimental.

Lamour de Dieu et l(amour du prochain ne sont pas deux amours, mais un seul.

« Pardonne-nous, comme nous pardonnons » : « quand nous disons ces mots, nous disait le métropolite Antoine de Souroge, nous avons notre propre salut en nos mains ».

Ne remettez pas à plus tard

Ne mettons pas à plus tard le temps de pardon, le temps du pardon est toujours maintenant. Les armes du démon sont la nostalgie et la remise au lendemain. « Soyez comme le père aimant dans l'histoire du fils prodigue. Prenons l'initiative, et courons à la rencontre de l'autre. Le pardon doit venir d'abord ; il est l'effet et non la cause du changement en nous-mêmes et dans les autres.

Pardonnons maintenant dans notre coeur, mais dans nos actes extérieurs, ne nous hâtons pas trop vite. Le pardon signifie la guérison, et la guérison prend souvent du temps. Des demandes prématurées de pardon peuvent empirer la situation. Si nous nous imposons à l'autre, sans penser d'abord à découvrir, par un effort d'imagination et de sympathie, ce que l'autre pense et ressent, nous risquons de creuser l'abîme qui nous sépare, plutôt que de le combler. Sans ajourner définitivement les choses, il peut souvent être nécessaire de faire une pause, non pas dans une indifférence passive, mais en nous en remettant à Dieu dans une attente vigilante, jusquà ce que le « kairos », le moment opportun, se soi clairement manifesté. « Hâte-toi lentement » disait l'empereur Auguste.
 

Pardonnez-vous aussi à vous-mêmes

Pardonnez à lautre, mais soyez également prêt à accepter le pardon que lautre vous offre. Il est difficile de pardonner, mais il est souvent encore plus difficile de reconnaître que nous avons nous-mêmes besoin dêtre pardonnés.

Soyons aussi humble pour accepter le don du  pardon dautrui. Selon la sage remarque de Charles Williams : « bien des réconciliations ont malheureusement échouées parce que les deux parties sont venues lune vers lautre prêtes à pardonner, mais non à être pardonnées ».

Pardonnez aux autres, mais pardonnez aussi à vous-mêmes. Comment accepter le pardon dautrui, si nous ne nous pardonnons pas à nous-mêmes. Selon Charles Williams : « en restant dans cet état, mi-colère-mi-angoisse, nous nous créons à nous-mêmes notre propre enfer ».

Pierre, amené à la connaissance de soi en entendant le coq chanter, il  pleura amèrement des larmes de remords ; mais ce remords ne réduisit pas au désespoir. Au contraire, voyant au bord du lac le Christ ressuscité, il ne se détourna pas de lui pour séloigner vers son « enfer personnel », mais il sapprocha de lui avec espoir.

Acceptant le pardon du Christ, se pardonnant à lui-même, il put connaître un nouveau commencement.
 

Pour pardonner, nous devons être en Dieu

Priez ! Si nous ne pouvons pas encore trouver dans notre coeur la possibilité de pardonner à l'autre, prions du moins pour lui. Saint Silouane disait : « si vous priez pour vos ennemis, la paix viendra en vous ». Crions, nous aussi, dans les larmes : « je pardonne ! secours mon incapacité de pardonner ». Lentement graduellement, le moment viendra enfin où nous serons capables de nous souvenir avec amour de ceux qui nous ont offensés.

En invoquant Dieu dans la prière et en reconnaissant notre propre incapacité à pardonner, nous sommes conduits à nous rappeler que le pardon est une prérogative divine. Il n'est pas notre action, mais de l'action de Dieu en nous. « La puissance extraordinaire » de Dieu nous est communiquée avant tout par les « mystères » ou sacrements de léglise. Notre pardon, ne dépend pas seulement de nos sentiments, ou de la décision de notre volonté. Il a un fondement objectif dans le sacrement de notre bain baptismal.

Mgr Kallistos Ware


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