Pardon chrétien selon les pères dans la foi orthodoxe
« Certaines situations
humaines sont si complexes, si difficiles à résoudre, si lourdes d’angoisse,
qu’il n’existe qu’une issue : pardonner. La vengeance rend le problème
bien pire. Le Mahatma Gandhi disait : « Œil pour œil laisse le
monde entier aveugle ».
Ce n’est que par le pardon,
que nous pouvons rompre la chaîne des représailles mutuelles et de l’amertume
autodestructrice. Sans pardon, il ne peut avoir aucun espoir d’un nouveau
départ. C’est ce que Papastravos (un vieux prêtre grec ; qui d’atroce
conditions, avait vu mourir tous les membres de sa famille) avait découvert,
face la tragédie de l’occupation ennemie et de la guerre civile.
Là
où est le pardon, là est la liberté
L’unique fils du Père
Papastavros qui ait survécu parlait de son père comme d’un homme
libre : « il est libre parce qu’il pardonne ». Pardonner
signifie être libéré d’une prison dont toutes les portes sont verrouillées de
l’intérieur. Ce n’est que par le pardon que nous pouvons entrer dans ce que
saint Paul appelle : « la liberté et la gloire des enfants de
Dieu » (Rm 8,21).
Evagre le Pontique
écrit : « Ne pensez pas que vous avez acquis la vertu, si vous
n’avez pas combattu jusqu’à verser le sang pour l’acquérir…On peut dire la même
chose du pardon. Parfois le combat pour pardonner n’est rien de moins qu’un
martyr intérieur, jusqu’à verser son sang ».
En
condamnant votre prochain, vous vous condamnez vous-même
Dans l’interprétation
patristique de la prière du Seigneur, l’un des thèmes dominants est l’unité de
l’humanité. Dans la prière du Seigneur
Saint Cyprien de Carthage remarquait que : « Chacun d’entre nous ne
demandons pas individuellement que sa propre dette soit remise ou qu’il ne soit
pas soumis à la tentation ou qu’il soit délivré du Malin. La prière est chez
nous publique et commune, et quand nous prions, nous ne prions pas pour une
seule personne, mais pour le peuple entier, parce que le peuple entier ne fait
qu’un »
Cette perception de notre
unité humaine, dans l’optique de Saint Cyprien, trouve son fondement dans la
doctrine chrétienne de Dieu. Nous croyons en Dieu Trinité qui n’est pas
seulement Un, mais un-en-trois, qui n’est pas seulement personnel mais
impersonnel. Nous croyons en la communion du Père, du Fils et du Saint Esprit
et que, par conséquent, les humains sont sauvés non pas isolément mais en
communion avec les autres.
Saint Maxime le Confesseur
dit : « l’unité et l’amour mutuel constituent le principe
(logos) de la nature selon lequel nous humain nous avons été crées. Ainsi en
priant pour le pardon, nous mettons notre volonté humaine en harmonie avec le
logos de la nature. Inversement, refuser le pardon, c’est scinder la nature
humaine en nous séparant de nos compagnons humains, même si nous sommes
nous-mêmes humains ». Notre refus de vivre en union avec les autres grâce
au pardon mutuel est autodestructeur : « En échouant à créer
cette union, notre nature reste divisée en elle-même dans sa volonté, et ne
peut recevoir le don divin et ineffable que Dieu nous fait de lui-même ».
Saint Grégoire de Nysse
écrit : « En condamnant votre prochain, vous vous condamnez
vous-même ». Grégoire soutient que Quand nous disons
« Pardonne-nous » dans
Tous
« responsables de toute chose et de chacun »
Marc le Moine, exclut explicitement
le point de vue selon lequel, au sens juridique, nous sommes coupables du péché
d’Adam considéré comme résultant d’un choix personnel. Cependant à un niveau
plus profond que la responsabilité légale, il existe une solidarité mystique
qui nous unit tous les uns aux autres ; et c’est de cela que parle
Grégoire et Marc le Moine « Tout homme est l’Homme », aussi sommes-nous
tous « responsables de toute chose et de chacun ». Même si nous ne sommes
pas personnellement pas coupables, nous n’en portons pas moins le poids de ce
qu’on fait Adam et tous les autres membres de la famille humaine. Ils vivent en
nous, et nous en eux. Aucun d’entre nous
ne chute seul, car nous nous entraînons les uns les autres dans la chute ;
aucun d’entre nous n’est pardonne et sauvé seul.
Le
pardon n’est pas solitaire, mais solidaire.
Le
mot : « Pardonne-nous…..comme nous pardonnons », Ce petit
mot : « comme » c’est l’aune qui mesure la cité céleste, et
le nœud de la nouvelle union ». Mais c’est aussi la clé de l’enfer et le
couteau qui tranche le nœud de l’union. Nous osons nous appliquer à nous-mêmes
avec une rigueur absolue le principe qu’à posé ne
Christ : « c’est avec la mesure dont vous mesurez que vous serez mesuré » (Mt 7.2),
« ce que vous faites, avertissait Saint Cyprien, vous le souffrirez
vous-mêmes ». Comme le dit Saint Jean Chrysostome, « nous avons
nous-mêmes un pouvoir sur le jugement qui sera porté sur nous ».
Saint Grégoire de Nysse
écrit : « Normalement, c’est nous qui sommes appelés à imiter
Dieu ; comme le dit Saint Paul : ‘’Soyez mes imitateurs, comme je le
suis du Christ’’ (1 Cor 11,1), c’est le cas particulièrement lorsque nous
pardonnons aux autres. Puisqu’en dernier ressort, seul Dieu a le pouvoir de
pardonner les péchés (Mc 2,7), la seule chose en notre pouvoir est de pardonner
aux autres, si nous imitons Dieu. Nous ne pouvons pas pardonner authentiquement
que si nous avons été élevés en Dieu et sommes nous-mêmes, « en quelque
sorte devenus Dieu ». A celui qui pardonne, il est nécessaire d’être
« déifié » ou « divinisé » ; il ne peut y avoir de
pardon sans « théosis ».
Mais dans le cas de la prière du Seigneur, Grégoire admet que cela est « une audace », l’ordre usuel est inversé. Dans le cas présent, c’est nous qui servons d’exemple à Dieu. Au lieu que ce soit nous qui l’imitions, nous lui disons de nous imiter : « Ce que j’ai fait, fais le de même ».