Prière de Jésus

La « prière de Jésus » est la prière  par excellence. Elle est la répétition d’une formule brève qui permet mieux que toute autre prière de répondre aux exigences,  formulées par les apôtres et les pères spirituels, de « prier sans cesse » et notamment de prier lorsqu’on a peu de temps ou lorsque l’on est occupé, ou encore lorsque l’on est avec quelqu’un d’autre, puisqu’elle peut être prononcée mentalement, dans de courts laps de temps libres, ou même accompagner la plupart des activités.

Son caractère particulier suppose une bénédiction et un suivi de la part du père spirituel. Car mal pratiquée, elle peut présenter certains dangers sur le plan spirituel, psychique ou corporel. Sa pratique requiert certaines conditions spirituelles.

Conditions pour pratiquer la prière de Jésus

La prière de Jésus s'intègre à une tradition et un contexte spirituels qui sont ceux de l'Eglise orthodoxe et dont elle est indissociable.

Le starets Serge insiste sur la nécessité de pratiquer cette prière dans le cadre de l'Eglise, corrélativement à la participation aux services liturgiques et à la vie sacramentelle.

Cette prière doit en particulier aller de pair avec une lutte contre les passions mauvaises et une pratique des vertus. Cette lutte et cette pratique ne pouvant être efficaces que dans l'Eglise, par la force de la grâce divine que nous communiquent les sacrements.

En dehors de l'Eglise et sans lutte contre les passions, cette prière n'a pas de sens.

En outre, elle doit être pratiquée dans un esprit de pénitence, d'humilité, de chasteté et d'amour pour Dieu et le prochain. C'est l'une des raisons pour lesquelles cette prière ne peut être assimilée à une technique. Le starets Serge dit que "Le Christ n'est pas venue apporter une technique mais nous enseigner la repentance". Une autre raison est que la grâce n'est jamais un effet de procédés mis en œuvre par l'homme, mais toujours un don gratuit de Dieu.

La prière reste toujours le lieu d'une relation personnelle avec Dieu, où coexistent demande et contemplation. Ce sont les attitudes spirituelles qui précèdent et accompagnent la prière qui lui donne sa valeur. La prière dite avec impureté ou orgueil non seulement est inutile mais fait un tort à celui qui prie. La prière de Jésus sans l'humilité est une catastrophe.

De même, si nous entreprenons de prier sans nous être d'abord réconciliés avec Dieu par la pénitence, notre prière est pourrie par notre état intérieur.

Pratique de la prière

La prière de Jésus ne doit pas être cérébrale, c'est à dire purement intellectuelle. L'esprit de l'homme doit être uni au cœur et s'exercer en union avec lui. Cela signifie que l'intelligence doit être unie aux sentiments et à la volonté. Cet état demande du temps et de la patience, il n'est pas facile à atteindre.

L'union de l'intelligence et du cœur permet de faire participer la personne dans son intégralité et aussi dans toute sa profondeur, mais aussi de nous mettre en sécurité par rapport aux tentations et à l'activité des démons. Elle nous permet aussi de comprendre toute chose dans le "cœur". Cette prière demande beaucoup de temps et de patience.

Deux attitudes essentielles pour la pratique de cette prière: vigilance et attention. Celui qui prie doit s'efforcer d'être en permanence attentif au contenu de sa prière (sans crispation). Il doit pour cela être vigilant pour écarter les tentations qui se présentent sans cesse à lui sous formes de pensées (idées ou images). Nous devons refuser de dialoguer avec ces pensées.

Cette prière va consister à répéter longuement, d'abord oralement, puis mentalement : « Seigneur, Jésus Christ, Fils de Dieu, aie pitié de moi, pécheur ». Lorsque nous disons mentalement cela signifie avec l'intellectuel et le cœur, et non seulement intellectuellement. C'est l'être humain entier qui participe à la prière.

Certains pères spirituels suggèrent parfois à leur disciple de raccourcir cette prière. Par exemple l'Ancien Ephrem de Katanoukia disait : « Si tu progresses dans la prière, spontanément tu supprimeras des mots à cause de la ferveur de ton âme. Tu diras, Seigneur Jésus-Christ aie pitié de moi, ou, Mon Jésus aie pitié de moi, ou encore, Très doux Jésus aie pitié de moi. Peut-être même que rempli d'amour tu en arriveras à dire, Jésus, Jésus, Jésus,... Et si encore tu es jugé digne de t'élever encore plus haut, alors tu resteras sans voix, comme en extase, en raison du bouillonnement de la grâce divine que tu ressentiras ».

Dispositions intérieures pour la prière

Un moine, disciple du starets l'Ancien Ephrem de Katanoukia,  pose cette question : « Dans quelles dispositions devenons-nous prier ? »

L’ancien répondit : « Dans la disposition, quelle qu’elle soit, que ton âme éprouve à ce moment précis – Tu te sens joyeux, prie avec joie, tu te sens pénitent, prie dans le repentir »

Le disciple : « Et si l’âme n’est pas dans une disposition précise, ou si l’esprit ne se concentre pas dans la prière ? »

L’Ancien : « L’esprit se comporte toujours ainsi. Il se disperse. Notre tâche consiste à le ramener encore et encore en arrière, c'est-à-dire dans la prière. Nous devons commencer - la prière de jésus - d’abord en murmurant ou  même à haute voix, jusqu’à ce que l’esprit se recueille et commence à être attentif à la prière ; dès lors on prie mentalement sans murmurer »

L’ancien : « Quant à l’envie, si on n’en a pas, il faut le susciter en ayant à l’esprit une image spirituelle qui soit à même d'émouvoir notre âme. Par exemple, la crucifixion du Christ, qui nous fera méditer sur l'ampleur de ce que "Dieu fait homme" a souffert dans Sa chair pour nous qui ne sommes rien».

Le disciple : « En priant avec la prière de Jésus, devons-nous prier en même temps avec une image de ce genre ? ».

L'ancien : « Non pas. On utilise cette pensée au début, pour échauffer la disposition de notre âme. Quand on dit la Prière de Jésus, il faut la dire lentement et en donnant leur sens plein au mot (bien visualiser et sentir les mots). Ne considérons rien d'autre mentalement, aucun autre mot, aucune figure, aucune image ».

Le disciple : « Comment sait-on que l'on a progressé dans la prière ? ». 

L'ancien : « Le premier fruit de la prière, c'est la joie. Puis les larmes te viennent en abondance. Tu veux embrasser le monde entier. Les hommes te semblent des anges. De plus l'apôtre Paul explique en quoi consiste le fruit de l'Esprit - l'amour, la joie, la paix, la longanimité, la probitité, la foi, la douceur, la tempérance (Gal 5,22) ». 

Prière de Jésus pour les laïcs

Un jeune homme, avocat, qui venait s'entretenir avec l'Ancien Ephrem de Kénanoukia, père spirituel orthodoxe, au Mont Athos, lui dit qu'il n'avait pas le temps de prier, en raison de ses lourdes obligations.

Le père lui dit : « Je vais te montrer comme prier, tu me diras si tu peux faire ou non ?. Le père s'approcha du lavabo en disant, Seigneur Jésus Christ aie pitié de moi. Il se dirigea vers la serviette et s'essuya les mains en répétant la même prière. Cela tu peux le faire ?. Fais attention malgré tout à faire cela quotidiennement et non de manière épisodique.

Le père dit de nouveau : « En reprenant ton travail, dans la salle où tu rends la justice, tourne-toi vers l'icône du Christ ou de la Mère de Dieu, s'il y a en une, sinon intérieurement, et dit : Seigneur, éclaire-moi pour que je ne lèse personne». 

Le père : « Moi dans le calme de Katanoukia, je dis cent prières par jour, et si vous dans le vacarme de la ville, de vos obligations professionnelles et familiales, vous en dites trois, nous sommes à égalité.  Si l'homme prend l'habitude de dire la prière de Jésus quotidiennement, ne serait-ce qu'un tout petit peu, selon sa capacité, alors petit à petit son cœur y prendra plaisir et se met à attendre ce moment».  

Conclusion

L'Ancien Ephrem de Katanoukia : « Par la prière de Jésus, cette petite mais toute puissante prière, les saints Pères se mirent en marche et devinrent les flambeaux de l'Eglise, les pédagogues de l'univers, et leurs reliques embaumèrent. Dis la prière et tu trouveras des ascensions spirituelles. Malgré cela, cela requiert de la violence (spirituelle) sur soi-même, de la patience et de l'endurance, et surtout la grâce».

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