Prière - afflictions et joies (par Saint Isaac le Syrien)
Prière
chrétienne juste
Saint Isaac nous dit qu’une
prière où le corps n’est pas dans la gêne et le cœur dans l’affliction
reste
embryonnaire, elle n’a pas d’âme. Elle porte en elle les germes
de la confiance
en soi et de l’orgueil, qui amène notre cœur à estimer que nous faisons
partie
no seulement des « appelées », mais encore du « petit
nombre des
élus ».
Défiez-vous de cette sorte
de prière : c’est la racine de beaucoup d’illusions. Parce
que votre cœur
reste attaché à la chair, votre trésor reste charnel ; et tandis
que vous
croyez pouvoir atteindre le ciel, vous ne saisissez que ce qui est
encore
charnel.
La
joie que vous éprouvez
manque de pureté et se traduit d’une façon exubérante : vous vous
sentez
pressé de parler, vous éprouvez la démangeaison
d’endoctriner et de convertir les autres, sans avoir été appelé par
l’Eglise à
exercer l’office de maître.
Vous
interprétez l’Ecriture
selon votre mentalité charnelle et vous ne pouvez supporter qu’on vous
contredise, vous vous échauffez pour défendre votre point de vue. Tout cela parce que vous avez négligé de
discipliner votre corps, et par là d’humilier votre cœur.
La vraie joie est passible
et stable. C’est pourquoi l’apôtre Paul nous prescrit de
« nous réjouir
sans cesse ». Elle procède d’un cœur qui répand des larmes sur le
monde et
sur lui-même, parce que tous se sont détournés de la Lumière sans
déclin.
La vraie joie est procurée
par les larmes. C’est pourquoi il est écrit : Heureux ceux
qui
pleurent » et « heureux êtes-vous en affligeant votre
« Moi » charnel, « car vous serez dans la joie quant à
votre
« moi » spirituel.
La
vraie joie est une joie
réconfortante, une joie qui jaillit de la connaissance de notre propre
faiblesse et de celle de la miséricorde du Seigneur, et elle n’a pas
besoin
d’un rire bruyant pour s’exprimer.
Celui
qui attaché aux choses
terrestres peut y trouver de la joie, mais il peut aussi en retirer de
l’agitation, du trouble et de l’affliction ; son esprit est exposé
à de
continuelles fluctuations. Au contraire, la « joie de votre
Maître »
est stable, parce que Dieu est immuable.
Ainsi
donc, surveillez votre
langue et disciplinez votre corps parle jeûne et une vie austère. Le
bavardage
est le grand ennemi de la prière. Ne
donnez pas non plus d’air
à vos passions, et elles s’éteindront peu à peu. Si
vous sentez votre colère
s’enflammer, taisez-vous et ne laissez rien paraître au dehors. N’en
parlez
qu’à Dieu. Vous éteindrez ainsi le brandon à peine allumé.
Si
vous êtes troublé par les
fautes d’autrui, suivez l’exemple de Sem et Japhet, et couvrez-les du
manteau
du silence ; vous étoufferez ainsi votre désir de juger avant que
les
flammes ne jaillissent. Le silence est tout prêt à se remplir de prière
attentive, comme un vase vide à se remplir d’eau.
Ce
n’est pas seulement la
langue que doit surveiller celui qui veut pratiquer l’art de la vigilance spirituelle. Il doit se
surveiller d’une façon minutieuse, et étendre sa sollicitude aux
profondeurs de
son être. Dans
ces profondeurs, il
découvrira d’immenses espaces intérieurs où s’agite une multitude de
souvenirs,
de pensées, d’imaginations, qu’il faut réprimer.
Ne
réveillez pas un souvenir
qui risque d’ensevelir votre prière dans la boue, ne remuez pas les
impressions
qu’ont laissé en vous vos vieux péchés.Ne
laissez pas s’attarder
votre mémoire sur des sujets qui risqueraient de ranimer de mauvais
désirs, ne
permettez pas à votre imagination de battre la campagne.
Le bastion préféré du démon est l’imagination. Par elle, il nous attire à la « liaison », c'est-à-dire à discuter avec lui, et de là au consentement et au péché en acte. Il sème l’incertitude et l’agitation parmi vos pensées, il vous suggère toute sorte de raisonnements, preuves, questions vaines et e réponses que nous donnons à nous-mêmes. Opposons à tout cela la Parole du Psalmiste : Détournez-vous de moi, méchants, que je garde les commandements de mon Dieu ».
(Tito Colliander)