Souffrance chrétienne féminine

Dans l'église, nous cherchons cette volonté une du Christ. Nous voulons avoir la même forme d'obéissance, la même forme de participation à la Pâque du Christ.

La Mère de Dieu s'associe librement au mystère de la Passion, de la souffrance glorieuse, de la Croix victorieuse du Christ. On ne peut expulser le féminin du mystère de la Croix. Marie a épousé un Dieu qui se crucifie et qui ressuscite, qu'elle est présente à la Croix.

Les ''malédictions'' deviennent des bénédictions: c'est l'esprit de la nouvelle Alliance. Mais au premier abord, ces paroles annonce des difficultés. Elle annonce la souffrance.

''Je mettrai une hostilité entre toi et la femme, elle t'écrasera la tête mais tu la meurtrira au talon''. La situation de la femme dans l'histoire du monde est une situation de combat spirituel.

C'est à la femme qu'est proposé, imposée même en l'occurrence, cette mission spécifique du combat spirituel: être celle qui est engagé dans cette lutte, cette résistance à l'hostilité du diable.  L'obéissance de la Mère de Dieu est l'antidote essentiel au péché qui a été désobéissance. Mais dans un premier temps, c'est la souffrance.Il y a dans ce programme de combat spirituel quelque chose qui est effrayant, dont nous trouvons effectivement la manifestation dans l'histoire: la confrontation de la femme à la violence, à toute les formes d'humiliation, de relégation, de déshumanisation...

Tout cela ne peut être déchiffré que dans cette perspective du combat spirituel. Ici est la possibilité de surmonter cette malédiction, de la voir comme combat spirituel.Nous savons, à postériori, qu'il s’agit du combat spirituel, victoire de la femme de lumière (dans l'apocalypse). Dans la meurtrissure au talon, il s'agit de la souffrance physique, blessure, corporelle, blessures des démarches.

Dans cette parole, on  a déjà les signes d’une double souffrance morale et physique, qui est celle de la femme dans l’histoire, cette souffrance étant rapportée essentiellement à l’existence de l’ange déchu, le Malin, et pas du tout aux éléments cosmiques, liée à la fatalité ou aux conditions sociales.  La cause de ses souffrances est essentiellement spirituelle: conséquence de la désobéissance elle-même, mise sous le patronage du combat avec l'ange déchu.

''...Je multiplierai.......tes souffrances et ton angoisse. Dans les souffrances tu enfanteras les enfants. Vers ton homme, ton retour, il sera ton maître''.Cette souffrance surabondante est l’expression d’une extraordinaire et paradoxale générosité de la part de Dieu. Cette souffrance est voulue, permise, assumée par Dieu. Souffrance liées à la grossesse, à l'accouchement, mais le texte biblique voit surtout la souffrance morale.

Historiquement, la femme se trouve, s'est trouvée à la merci de l'homme. Il est douloureux de n'avoir aucune autonomie, liberté, d'être à la merci de quelqu'un. On peut aussi être supplicié, torturée, battue. Etre à la merci de l’homme est une position spirituelle consécutive au péché. La correspondance de tout cela sont tous les textes sur le mariage : « Et il sera ton maître ».

''Ton maître'' c'est celui qui à la merci de qui tu es, mais cela peut-être aussi, celui qui va devenir, par l'incarnation et le mystère de l'église, le chef de la femme, comme le christ est le chef de l'église.

La part de l’homme est une part de malédiction qui concerne tout ce qui va être activité, le labeur de l’agriculture, dans le travail, dans la vie extérieure. Tout cela va être également soumis à la souffrance. On ne peut pas dire qu’il y ait vraiment une souffrance masculine et une souffrance féminine, mais il y a une souffrance universelle, qui prend des formes spécifiques dans  l’un et dans l’autre cas.                  

Le labeur de l'homme c'est tout ce qui va être aussi soumis à la souffrance. Le labeur de l'homme, dans l'église, donne l'ascèse par exemple. Il y a un retournement de cette malédiction en bénédiction par le baptême et la vie dans l’Eglise. Le travail professionnel peut devenir service, diaconie pour le monde, responsabilité royale. L'homme à travers cette malédiction peut retrouver sa place bénie de responsable au sein de la création.

On peut aussi situer ce retournement en ce qui concerne la souffrance féminine : une souffrance qui est une malédiction, une situation même de vie qui est une malédiction, le signe de la déchéance, de l’humanité déchue. C’est très lourd à porter pour une personne, d’être celui qui va porter la Croix.

Comment ce signe devient bénédiction, relèvement, salut ? Ce miracle de la Pâque, cette inversion, ce changement de signe des choses. Ce qui dans le péché est séparation de Dieu, devient par la jonction au Christ, rapprochement de Dieu.

Ce qui est malédiction, va devenir, par cette jonction au Christ, bénédiction. Ce qui est mort va devenir vie, ce qui est enfer va devenir royaume. Nous sommes suspendus à cette réalité, essentiellement par la foi, l'espérance, et nous sommes suspendus à cette espérance par le don de l'Esprit.

Il n'est pas possible pour l'être humain de passer d'une malédiction à une bénédiction, avec cette condition maudite, sans la participation au Christ et sans l'acquisition du Saint Esprit. Il y a besoin d'un miracle, du sacrement de l'église, de la Parole du Christ: il y a besoin d'une libération. S'il n'y a pas évangélisation de la condition humaine en général, de la condition féminine, alors la malédiction demeure.

Nous sommes à une époque où, grâce à Dieu, on parle beaucoup de la place de la femme dans la société, on fait beaucoup pénitence des péchés commis à l’égard de la femme historiquement. Mais il ne suffit pas d’attitudes d’ordre psychologique ou sociologique. C’est vraiment la question d’évangélisation, de la libération spirituelle.

Le Christ est celui qui est venu pour libérer les captifs, pour annoncer la résurrection à ceux qui sont en enfer. C'est la puissance du Christ et la puissance de l'Esprit saint qui transforment la malédiction en bénédiction. On arrive ainsi au mystère de l’Eglise. On ne peut pas laisser la femme comme cela. Elle est quelqu’un à qui on annonce l’Evangile, quelqu’un à qui l’on annonce l’Eglise.

Le mystère de l'annonciation est le mystère de l'Humanité. La Mère de Dieu est la figure de l'humanité. Mais elle est une femme. L'annonciation est l'évangile annoncée à la femme, à la ''maudite''.

En quoi consiste cette évangélisation? C'est révéler l'essence spirituelle du féminin, son sacerdoce profond.  C'est la maternité divine.  C'est par la maternité divine, que la Mère de Dieu vainc Satan, que chaque femme, qui arrive dans l'église, à recevoir ce message, à l'intégrer dans sa propre vie, non seulement s'affranchit de cette malédiction et de cette souffrance, de cette impasse, mais en plus elle contribue au salut du monde.

Du moment où la femme appartient à l'église, baptisée et membre du sacerdoce baptismal, que peut-on contempler comme transformation de cette souffrance ? Le lien que la femme a avec la souffrance, l'homme l'a avec le labeur. Le labeur devient pour l'homme bénédiction par le baptême, et la vie ecclésiale, et la douleur malédiction devient pour la femme aussi bénédictions dans l'église.

Le labeur de l'un et la douleur de l'autre étant  greffés sur la Pâque du Christ, deviennent des sacrements, des voies vers l'acquisition du Saint Esprit, des voies de salut pour le monde. Il est hors de propos d’entrer dans ce sujet avec des informations de type psychologique, philosophique ou sociologique. On ne peut y entrer qu’à partir de le Révélation. S’il n’y a pas une révélation sur la souffrance.

La souffrance non révélée est odieuse et ne peut engendrer à juste titre que la révolte, la guerre et le blasphème. Si on accepte la Révélation, ce n’est pas seulement un autre éclairage, mais il y a vraiment une métamorphose. On approche de ce mystère de la souffrance féminine, de cette douleur d'Eve, à partir du mystère du Christ, de la Pâque du Christ, du mystère de la Mère de Dieu, c'est à dire du mystère de la maternité divine.

Si on n’est pas dans une théologie juste de la Mère de Dieu, où on confesse la maternité divine, on ne peut pas comprendre le mystère du féminin dans l’histoire, la place du féminin dans l’Eglise. C’est cette façon d’évangéliser le féminin, de baptiser vraiment la souffrance féminine, de la transfigurer, de la placer dans la lumière du mystère de la Mère de Dieu, pas de la Vierge, pas de Marie seule.

Pas la maternité divine, la Mère de Dieu vainc Satan, le Maudit, l’adversaire. C’est aussi par la maternité divine que chaque femme, qui arrive à vivre de l’Eglise, à recevoir ce message, à l’intégrer dans sa propre vie, non seulement s’affranchit elle-même de cette malédiction et de cette souffrance, de cette impasse que peut être l’existence, mais en plus elle contribue au salut du monde.

Nous abordons le mystère de la souffrance féminine par la lumière et l'ombre lumineuse des martyrs, et à travers deux thèmes: le sacerdoce d'une part, qui consiste à offrir et à être offert, à recevoir et à être distribué. Ce sacerdoce est baptismal, et non un sacerdoce d'ordre, qui implique le service de l'église comme tel.

Dans le mystère de la Mère de Dieu, elle ne porte pas seulement sa souffrance personnelle, mais aussi l'humanité souffrante. Elle est enceinte de l'humanité souffrante et glorifiée, c'est à dire du Christ. La femme d'église est christophore par héritage du type même de la Mère de Dieu. En Christ non seulement l'homme est glorifié mais aussi Dieu est glorifié. En Christ, l'homme est souffrant, mais Dieu est compatissant.

Toute la question de la métanoia de la femme, c'est le passage d'une douleur qui est sa  douleur à elle, intense mais très individuelle, à une douleur qui est une douleur d'église, vécue comme étant le mystère du Christ lui-même, l'humanité souffrante.

C'est pourquoi la femme est celle qui est destinée à ressentir de la compassion. C'est un charisme spirituel du féminin. Bien sûr il y a des hommes compatissants, mais il y  a un appel, une vocation à la compassion qui s'enracine dans la compassion de la Mère de Dieu elle-même. La femme porte la vie éternelle, chaque fois qu'elle découvre l'amour désintéressé, elle devient porteuse de l'Esprit saint, qui est feu de l'amour.

Le Christ sauve l'humanité mais il sauve aussi la femme en prenant sur lui le signe du sang, ce signe affectant d'abord la femme. Le Christ prend ce signe en prenant la Croix, de même qu'il obtient de la femme le pardon pour ce qu'elle a subi historiquement, et qu'il obtient aussi de l'homme le pardon.

On arrive ainsi au mystère du mariage. Qui est essentiellement le mystère de la réconciliation entre l'homme et la femme.  C'est le Christ qui L'opère. Le Christ est venu pour sauver l’humanité, mais dans ce contexte, il est venu pour prendre sur Lui ce mystère de l’Eve ensanglantée qui parcourt l’histoire et s’achève avec le mystère de la Mère de Dieu.

La Mère de Dieu est celle en qui le mystère de la souffrance change complètement de signe. Elle ne souffre pas des souffrances liées au péché puisqu'elle ne souffre pas des souffrances de l'accouchement, étant purifié du péché originel par l'Esprit saint au moment de l'annonciation. Elle ne subit pas la souffrance. Elle n'est pas quelqu'un chez qui la souffrance est malédiction.

Elle n'est plus quelqu'un chez qui la souffrance est malédiction. La Mère de Dieu est libérée de la souffrance en tant que malédiction, parce qu'en elle, se manifeste l'obéissance. C'est le signe de la victoire sur Satan, dans le combat spirituel. L'obéissance de Marie vainc Satan. Vainqueur de Satan, elle n’est plus, elle ne sera plus et toute femme qui s’intègre dans ce mouvement là, en proie à la souffrance qui est conséquence du péché. Souffrance acceptée délibérément, librement, par amour, par compassion. Marie est celle qui, libérée des souffrances de l’enfantement, de toute souffrance liée aux conséquences du péché originel, va au-devant de ce fameux glaive qui lui transpercera le cœur sur la Croix, au pied de la Croix.

Il y a un type du chemin féminin. On a trop tendance à voir en Marie la Mère de Dieu une figure de l’humanité prise en général. Il faut quand même laisser sa place de témoin du féminin de la Nouvelle Alliance, de prototype de la féminité baptismale, féminité sacerdotale, ecclésiale. 

Marie est celle qui assume la Croix, par amour, par compassion, librement d'une manière charismatique. C'est pour cela qu'elle sauve. Celui qui dit ''oui'' à la souffrance par compassion sauve le monde avec le Christ. C'est la raison pour laquelle on dit ''très Sainte Mère de Dieu sauve nous''. Elle sauve non en tant que Dieu, qu’égale au Christ ou je ne sais quoi, mais essentiellement en fonction de cette acceptation de la Croix, de cette compassion charismatique qui la caractérise.

Mystère de l’ecclésialisation de la souffrance féminine, chacun désire ne pas souffrir : le Christ Lui-même a demandé que le calice s’éloigne de Lui ; ce calice est cette coupe que le Père tend à Son disciple, à Son serviteur. L'écclésialisation de cette souffrance, c'est la capacité  spirituelle d'accepter la coupe que nous tend le Père. Si la femme n'est pas accueillie dans l'église avec compassion, avec douceur et respect, si l'église n'est pas le lieu où l'on regarde la femme différemment, rien n'est possible. L'église doit être le lieu où la femme est regardée autrement.

L'église est vraiment pour la femme, le salut. En dehors de l'église, il n'y  a pas d'autre possibilité pour que la femme obtienne la révélation de sa propre féminité et de son rôle dans le monde, de sa fonction. La femme trouve dans l’Eglise une consécration sacramentelle de ses joies et de ses douleurs, de sa souffrance atavique. Il y un héritage : tout être trésaille des souffrances faites à ses ancêtres. Il y  a une hypersensibilité d’un être qui de siècle en siècle a tellement subi. Tant de générations de mauvais traitements, d’esclavage, qui ont déformé un être de manière presque instinctive.

La femme est la figure de l'église, type de l'humanité nouvelle, type du peuple royal, du sacerdoce baptismal, de l'assemblée de la nouvelle alliance. La relation de la femme avec l'église est une relation qui est fondée sur un rapport d'exclusion-accueil. Dans beaucoup de circonstances, la femme se trouve assumer la part de l'humanité exclue. Alors se présente pour elle la charge sacerdotale d'exprimer le mystère de réconciliation avec l'église.

La femme dans le mois qui suit l'accouchement, est la figure de la réconciliation de l'humanité avec l'église. D  ans sa propre existence, elle assume cette Pâque, cette croix, la croix de l'exclusion qui devient inclusion. C'est pourquoi ce qui concerne la réconciliation, la purification, le retour est tellement spécifique de la démarche liturgique de la femme dans l'église. Pour l'homme, cet aspect de purification, de réintégration ne se pose pas pratiquement, sauf dans le cas d'un péché général.

La femme a des voies propres, qui ne sont pas des malédictions, mais qui sont sa fonction d'exprimer ce que l'humanité souffre comme exclusion (le mystère d'Eve). Quand la femme se retrouve pendant 40 jours éloignée de l'église après l'accouchement, elle assume quelque chose du destin de l'humanité. Quand elle est accueillie au terme des 40 jours, elle assume aussi quelque chose de l'humanité. Dans la première partie, c'est le mystère d'Eve, dans la deuxième partie, c'est le mystère de la Mère de Dieu.

Dans l'église, la femme se voit enseigner que la maternité peut être chez elle spirituelle. Ce qui est important, c'est comment sont reliés deux aspects: d'une part le mystère de la stérilité dans l'AT, qui est signe que l'on a déplu à Dieu quelque part, et d'autre part, l'œuvre du Christ et de l'Esprit. C'est parce que le Christ et l'Esprit sont venus que cette situation peut être transformée et qu'un espoir peut être trouvé.

C'est à l'ombre du mystère du Christ, du mystère de l'Esprit saint dans l'église que va être présenté cette douleur, cette souffrance de l'âme, cette grande souffrance morale que peut être la stérilité. L'église est là pour demander le pardon. Le pardon, c'est la nouvelle alliance. On va introduire dans cette souffrance morale, le pardon. La fécondité spirituelle sera là, au moins. Ce qui est important pour l'être humain est d'être pardonné. C'est plus important que de mettre cet enfant au monde. Mais si l'enfant vient, il sera effectivement le signe du pardon.

Autre cas lié au sang, c'est le cas de l'avortement. C'est une chose très douloureuse qui porte historiquement une charge très lourde.

La vénération de la Mère de Dieu s'adresse à elle en tant qu'icône de la maternité divine.  Cette passion propre à la Mère de Dieu est la participation à la Passion du Christ. L’image de la Mère de Dieu qui se tenait au pied du gibet de son Fils crucifié, l’image de celle à qui il fut dit : un glaive te transpercera l’âme. Cette image symbolise pleinement la juste attitude envers le prochain.

Dans le crucifié, la Mère de Dieu voyait Dieu et son fils, elle nous enseigne à voir dans chacun de nos frères, à la fois Dieu, c'est à dire son Image, et un fils qui nous est donné en adoption pour que nous l'aimions de compassion, pour que nous participions à ses souffrances et prenions sur nous ses péchés.

La Mère de Dieu reste jusqu'à  aujourd'hui même transpercée par la Croix de son fils qui devient pour elle un glaive à deux tranchants et par les glaives de toutes nos croix, les croix de toutes la divino-humanité. En contemplant son intercession qui couvre le monde pour tous les péchés et toutes les misères humaines, nous trouvons la voie sûre et véridique, l'exigence de laisser les croix de nos frères percer notre cœur.

Cette compassion s'enracine non seulement dans la présence au pied de la Croix du Christ, mais essentiellement dans le mystère de l'annonciation. C'est dans l'annonciation quelle dit ''oui'' à tout, à la Croix. Le ''oui'' est le chemin de la déification.  C'est le ''oui'' à la Croix qui ouvre la personne à l'acquisition de l'Esprit saint.

Le Christ a fait de la maternité un sacrement. Ce qui est en dehors de l'église, quelque chose de biologique, devient par le baptême un sacrement. C'est le sacrement de la maternité. La virginité, qui est la stérilité volontaire, choisie, est également par l'église sacrement.

C'est la transformation en mystère de salut, en voie de vie éternelle, des choses qui en dehors de l'église seraient soit des impasses définitives, des échecs, soit purement liés à un ordre cosmique. C'est là que l'on voit que le baptême et la Pâque sauvent non seulement l'humanité, mais le cosmos.

Dans l'église, on n'est pas là pour juger, mais pour partager le péché. Le péché partagé n'est plus le péché, l'enfer partagé n'est plus l'enfer. Le péché est essentiellement isolement, séparation. Qui dit compassion dit rupture de toute séparation. Dire ''nous sommes tous souillées'', c'est aussi une des formes de la compassion.

On ne peut pas espérer que la femme acquière le charisme de la compassion, si elle n'est pas elle-même l'objet, dans les plus grands moments de souffrance de sa vie, elle-même d'une compassion de la part de l'église.

Si on prend en charge l'échec, c'est qu'on sait qu'on a rendez-vous avec le Christ. On a rendez-vous avec la force de Dieu dans la faiblesse. On ne fait pas de misérabilisme. On trouve Dieu quand on a tout raté. C'est à ce moment qu'il apparaît comme le sauveur, celui qui guérit, qui pardonne.

On devient un être d'église lorsque l'on commence à se sentir concerné par tout. Rien n'est étranger au Corps du Christ. On entre ainsi dans le mystère de la compassion, qui est une grâce charismatique de l'Esprit saint. C'est cela la prêtrise du Christ, témoigner de la miséricorde du Christ.

La Mère de Dieu n'est pas l'icône du sacerdoce pastoral. Elle ne doit pas être identifiée aux apôtres. Elle est l'icône du ministère de l'assemblée, la référence par excellence de la prêtrise de l'assemblée, de la prêtrise baptismale.

La femme sait qu'elle va vers l'expérience de la souffrance physique et morale, vers l'expérience de la maternité corporelle, vers la maternité spirituelle. Elle va vers le baptême du sang, et vers le baptême des larmes. La Mère de Dieu n'a pas connu les souffrances liées à la maternité physique, mais elle a connu les souffrances de la maternité spirituelle.

L'église est là pour transformer en bénédiction ce qui était malédiction.

La grossesse qui est déjà commencée et qui est bénie, la souffrance qui est bénédiction et non malédiction prépare le monde futur. La grossesse devient par l'église, par le sacrement de l'église, le sacrement de la grossesse, de la fécondité et de la maternité, devient signe du monde futur. Elle icône de l'attente eschatologique de l'humanité, icône de la patience de l'humanité, icône de l'attente du monde futur. C'est pourquoi on encense une femme enceinte

Dans l'église quand on encense une femme enceinte, on encense le monde futur. La femme porte dans ses entrailles l'humanité souffrante et glorifiée. Elle porte en elle quelqu'un qui sera baptisé, elle porte en elle un futur saint. Elle porte donc en elle l'humanité nouvelle. Mais elle porte aussi en elle, un être mortel: qui mourra, souffrira, qui sera malade. Elle porte en elle un être mortel et sauvé, un être qui passera par la croix et qui sera glorifié. Les pères spirituels disent à une femme qui veut se marier: peux-tu mettre au monde un saint? Si oui, marie-toi, sinon, non!

C'est le but de l'église: promouvoir dans le monde une humanité nouvelle. Si c'est pour faire des humains comme les autres, laissons faire les autres. Le sacrement de la grossesse, la grossesse baptisée, c'est la mise au monde d'une humanité nouvelle, une humanité sainte, une race nouvelle.

La plus grande ascèse pour la femme, c'est de dire ''oui'' tous les jours, pas tellement dans l'accouchement physique qui quelque fois se passe, même avec douleur, mais dire ''oui'':je veux bien disparaître pour que toi tu existe.

C'est pourquoi il y a un office de présentation au temple. Manière très claire de ce qu'est la maternité spirituelle, non seulement des parents, mais particulièrement celle de la femme. Il est plus difficile pour la femme de pratiquer cette ascèse que pour l'homme.

Pour l'homme, l'enfant est déjà loin de lui. Il ne l'a pas porté dans ses entrailles. Après l'accouchement on montre l'enfant au mari, mais ce n'est pas évident du tout pour l'homme, alors que pour la femme c'est évident.

Pour la femme cela sera beaucoup plus dur, c'est vraiment un renoncement, une Croix, une ascèse, une abnégation, donc la manifestation de l'amour véritable, que de dire tous les jours à cette mise au monde de l'enfant, à la séparation de l'enfant. Il y a un renoncement à soi. Dire oui aussi éventuellement à la maladie de l'enfant. Etre devant un enfant qui part, qui mourra, proche ou lointain, c'est aussi dire ''oui'' à la liberté de l'enfant, dire ''oui'' au chemin auquel Dieu appelle cet enfant. (Je ne dis pas destin, c'est antichrétien), mais je prononce le mot de vocation, d'appel. Dire ''oui'' à un enfant qui part, c'est un sacrifice suprême, la croix suprême, mais c'est aussi un acte d'amour suprême.

Il y a un acte de foi en Dieu, un acte de foi dans la liberté de la personne qui part. Il y a aussi une manière de mettre au monde à la vie éternelle, de bénir l'enfant qui part. Cela nous dépasse complètement, c'est pour cela que l'on prie pour les parents, pour les enfants... On prie les uns pour les autres, que l'Esprit saint vienne et donne non seulement à l'enfant d'être lui-même, de ''haïr'' ses parents, c'est à dire de considérer ses parents comme morts, 'être adulte c'est considérer ses parents comme morts), même si on les aime et si on les honore. Mais qu'il donne aussi aux parents le charisme de dire ''oui'' à l'enfant qui part. Pas seulement de dire ''oui'' à Dieu de dire que ta volonté soit faite. Cet acte de foi, cet acte d'amour dans la liberté de ceux que l'on aime. Bénir celui qui part.

Résumé:

La femme accède à la prêtrise par le baptême. Il n'y a que dans l'église que la femme accède à la prêtrise du Christ Dieu, au même titre que l'homme. Cette promotion d'Adam et Eve au sacerdoce du Verbe incarné est typique de l'église. Sa souffrance va donc prendre un caractère sacerdotal, et être une ouverture aux charismes de l'Esprit saint.

C'est pourquoi le Christ s'est adressé aux pauvres dans l'évangile. Ceux-là, s'ils acceptent la Croix, recevront l'Esprit saint en plénitude. Ils ont déjà l'épreuve, la souffrance, Ceux qui leur manque, c'est de pouvoir accepter, obéir à la misère, à la pauvreté, à la souffrance. Le Christ vient et il t'apprend l'obéissance. Il te montre l'exemple de l'obéissance.

Cette souffrance que tu avais déjà, tu es dans le royaume des Cieux avant ceux qui ne souffrent pas: les justes, les riches. Non pas parce que c'est mal d'être riche, mais celui qui n'a pas d'épreuve, celui qui ne souffre pas, il est très difficile de lui proposer le chemin de l'obéissance, d'autant qu'il ne va pas y aller de lui-même. Pédagogiquement, il est plus facile d'évangéliser quelqu'un qui est dans la souffrance, un pauvre, il est déjà dedans, et il a probablement envie d'en sortir...

On ne peut pas dire à quelqu'un qui n'est pas dans le tourment: viens je vais te tourmenter pour pouvoir t'apporter l'évangile. Cela existe pourtant, mais justement d'un point de vue ascétique: on propose un jeune, élément de déséquilibre, d'appauvrissement, élément de souffrance volontaire, pour pouvoir mettre la personne en route vers l'Esprit saint. Même un riche peut être sauvé, s'il devient moine par exemple. Beaucoup de personnes ont tout et ne savent pas rendre grâces. Elles ne savent pas remercier. C'est le problème de notre société nantie mais incapable de gratitude. C'est grave!  Qui est capable de gratitude, celui qui a tout perdu, celui qui n'a rien, remercie Dieu.

On ne reproche rien à personne. Chacun est libre. Mais il y a un chemin de l'acquisition de l'amour, de l'Esprit saint qui passe par cette pauvreté. Le Christ dit « heureux les affligés parce qu'ils seront consolés ». Il ne s'agit pas là de quelque chose de psychologique, mais seul celui qui est passé par l'affliction connaît le goût de la joie. Seul celui qui est passé par le goût de la mort, connaît le gout de la vie.

Les pères anciens disent que l'homme déchu ne peut connaître une chose que par l'expérience de son contraire. Dans la situation déchue, nous ne pouvons goûter le royaume qu'à travers l'expérience de l'enfer. Dans l'état paradisiaque, l'être humain goûtait ce royaume directement.

Le Christ dans sa sagesse, s'incarne dans ce chemin là, et il le révèle. Il en fait un véritable chemin de vie. Le Christ non seulement nous les fait comprendre, nous montre la voie, et nous donne l'Esprit saint pour pouvoir le vivre. Le Christ s’adresse aux pauvres dans les Evangiles. Ceux-là s’ils acceptent la Croix, recevront l’Esprit Saint en plénitude. Ils ont déjà l’épreuve, la souffrance, mais ce qui leur manque c’est de pouvoir accepter, obéir à la misère, à la pauvreté, à la souffrance.

Parce que tu acceptes cette souffrance que tu avais déjà, tu es dans le Royaume des Cieux avant ceux qui ne souffrent pas, les justes, les riches…. A celui qui est riche, il lui est très difficile de lui proposer l’obéissance, d’autant plus qu’il ne va pas y aller de lui-même.

Il est plus facile d’évangéliser quelqu’un qui est dans la souffrance, il y est déjà dedans, il a probablement envie de s’en sortir, il est près de la révolte, dans un combat, un tourment, que quelqu’un qui ne l’est pas. On ne peut pas dire à quelqu’un  qui n’est pas dans le tourment, viens, je vais te tourmenter pour t’apporter l’évangile. Cela existe pourtant, mais justement d’un point de vue ascétique : on propose le jeune par exemple. Elément de déséquilibre, d’appauvrissement, de souffrance volontaire pour pourvoir mettre la personne sur la route de l’Esprit Saint.

Un riche peut être sauvé, s’il devient moine par exemple. Il entre dans l’expérience de la souffrance volontaire qui va l’amener par l’obéissance à l’acquisition de l’Esprit Saint. Beaucoup de personnes ont tout et ne savent pas rendre grâce, elles ne savent pas remercier. Qui est capable de gratitude ? Celui qui a tout perdu, qui n’a rien, remercie Dieu. Il y a un chemin de l’acquisition de l’amour qui passe par la pauvreté. Le Christ dit dans les béatitudes : heureux les affligés parce qu’ils seront consolés. Seul celui qui est passé par l’affliction connaît la joie, le goût de la vie.

Dans la situation déchue, nous ne pouvons goûter le Royaume qu’à travers l’expérience de l’enfer. Cette loi des contraires, des antinomies, est caractéristique du monde déchue. Le Christ, dans Sa Sagesse divine et Son amour s’intègre dan ce chemin là. Il en fait un chemin de vie. Il nous donne l’Esprit Saint pour pouvoir le vivre.  

(Extrait des enseignements et cours théologiques du père Marc Antoine Costa de Beauregard)

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