La Tradition par Saint Silouane

Tradition chrétienne orthodoxe

Saint Silouane concevait la vie de l’Eglise comme une vie dans le Saint Esprit et la Sainte Tradition comme l’action ininterrompue du Saint Esprit dans l’Eglise. La Sainte Tradition est ainsi le fondement le plus profond de son existence. Elle embrasse toute la vie de l’Eglise et la Sainte Ecriture elle-même ne se présente que comme l’une de ses expressions.

Ceux qui rejette la Tradition de l’Eglise et qui, croyant aller aux sources de l’Eglise, vont directement à la sainte écriture, font fausse route. Ce n’est pas la sainte écriture qui est la source de l’Eglise, mais la Sainte Tradition.  La Sainte  Ecriture n'est ni plus profonde et ni plus importante que la sainte Tradition, mais elle est l'une des formes. Cette forme est des plus procieuses, car il est facile de la garder et de s'en servir; mais retirée du courant de la sainte Tradition, l'Ecriture ne saurait être correctement comprise par aucune investigation scientifique. 

Au cours des premières décades de son histoire, l’Eglise ne possédait pas les livres du NT et ne vivait alors que par la Tradition – cette Tradition que l’apôtre Paul exhortait les fidèles à garder (2 thess 2,15). C’est un fait bien connu que tous les hérésiarques se sont toujours fondés sur la sainte écriture, mais à la différence près qu’ils l’interprétaient « à leur propre manière ».

Pris isolément, les membres de l’Eglise, y compris les meilleurs de ses fils et de ses maîtres, ne peuvent pas parvenir à réunir en eux la totalité des dons du Saint Esprit. C’est pourquoi leurs doctrines et leurs écrits peuvent présenter certaines imperfections et parfois même des erreurs.

Mais dans son ensemble, l’Eglise qui est détentrice de la plénitude des dons spirituels et de la connaissance, demeure vrai dans les siècles. Une foi inébranlable dans la vérité de l’enseignement de l’Eglise orthodoxe dans son ensemble et une profonde confiance en tout ce qu’elle a accepté et confirmé par son expérience, se trouvent à la base de la vie du moine athonite. Cela le préserve de tout dilettantisme et de toutes tâtonnantes recherches en marge de la Tradition. 

Chaque nouveau livre qui prétend s’insérer dans l’enseignement de l’Eglise ou en être l’expression, sera soumis au jugement de l’Eglise qui, au cours d’un processus nécessairement lent, en éprouvera tous les aspects de ce livre, avant tout son influence sur la vie. Ce critère, c'est-à-dire l’influence de la doctrine sur la vie, à une importance primordiale en vertu du lien très étroit qui existe entre la conscience dogmatique et l’acte de la vie. 

L’Eglise rejettera tout ce qui sera contraire avec l’esprit de l’amour du Christ dont elle vit. Le critère de la vérité dans l’Eglise est l’humilité et l’amour du Christ pour les ennemis. Même si pris isolément, des membres de l’Eglise peuvent chanceler et commettre des transgressions graves !

Les saints parlent de ce qu’ils ont réellement vu et de ce qu’ils connaissent. Ils ne parlent pas de ce qu’ils n’ont pas vu. Les saints ne disent rien par leur propre intelligence.  L’écriture divinement inspirée est paroles véridique. Mais la connaissance de Dieu que l’on y puise ne peut atteindre la perfection recherchée, si le Seigneur ne vient pas lui-même nous instruire par son Esprit Saint.

Saint Silouane affirmait que l’homme ne peut connaître le divin pas son propre intelligence, mais qu’il n’est connu que par le Saint Esprit. C’est pourquoi l’écriture sainte ne peut être réellement comprise au moyen d’études scientifiques.

Tant qu’un homme n’aura pas reçu d’en Haut le don de comprendre les écritures, tant qu’il ne sera pas devenu humble par une longue lutte contre les passions, tant qu’il n’aura pas connu la résurrection dans son âme, jusque là il lui faut s’en tenir strictement à la tradition et à l’enseignement de l’Eglise, sans se permettre d’enseigner quoi que ce soit en se fondant sur sa propre autorité. Jusqu'à un certain degré, l'Esprit Saint, l'Esprit de vérité vit en tout homme, surtout s'il est chrétien, mais il ne convient pas d'exagérer  l'importance de cette expérience encore insuffisante de la grâce, ni de se fonder audacieusement sur elle.

La Sainte Ecriture est la parole que "des hommes mûs par le Saint Esprit ont prononcés de la part de Dieu" (2, Pr 1,21). Mais les paroles des saints ne sont cependant pas quelque chose d'entièrement indépendant du niveau intellectuel et de l'état spirituel de ceux auxquels elles étaient adressées.

La compréhension de la Parole divine trouve sa clé dans l’accomplissement des commandements du Christ. Et non dans la recherche scientifique. Le seigneur a résumé toute la sainte écriture en une formule : aimez Dieu et votre prochain. Le nom « amour », c’est le Nom même de Dieu, et son sens véritable ne se révèle pas autrement que par l’action de Dieu.

Par Archimandrite Sophrony
(Source :  Starets Silouane - Vie et doctrine - écrits - Archimandrite Sophrony - Editions Présence - 1973)

 Retour menu précédent