Vision (Saint Silouane)
Visions
Quand nous pleurons et humilions notre âme, la grâce
divine nous garde, mais si nous abandonnons les pleurs et l’humilité, nous
risquons de nous laisser séduire par les pensées ou par les visions.
L’âme humble
n’a pas de visions et n’en désire pas, mais elle prie avec un esprit pur ;
un esprit vaniteux, par contre, n’est pas à l’abri des pensées et de
l’imagination, et il peut même en arriver à voir des démons et à parler avec
eux.
J’implore tous les hommes : recourons au
repentir, et alors nous verrons la clémence du Seigneur. Ceux qui ont des
visions et se fient à elles, je les supplie de comprendre que cela provoque
en eux de l’orgueil ainsi que cette troublante jouissance de la vanité qui bannit
l’humilité et le repentir ; et là est le malheur, car sans humilité
on ne peut pas vaincre les ennemis.
Moi-même je me suis trompé deux fois. La première
fois, l’ennemi me montra une lumière et la pensée me dit : « Accepte,
c’est la grâce ». La seconde fois, j’ai accepté une vision, et j’ai eu
beaucoup à souffrir de cela. C’était à la fin de la vigile, lorsqu’on
chante : « Que ton souffle loue le Seigneur » ; j’entendis
comme le Roi David, au Ciel, chanter une hymne à la louange de Dieu. Je me
tenais au chœur et il me semblait qu’il n’y avait ni toi, ni coupole, et que je
voyais le Ciel ouvert. Je pensais que les démons ne pouvaient pas glorifier
Dieu et que, par conséquent, cette vision ne provenait pas de l’ennemi.
Mais l’illusion de la vanité me tourmentait et, de
nouveau, je me mis à voir des démons. Alors je reconnus que je m’étais trompé.
Je m’en ouvrir à mon père spirituel et je lui demandai de prier pour moi ;
et grâce à ses prières, je suis à présent sauvé, et constamment j’implore le Seigneur
de m’accorder un esprit d’humilité.
Ainsi j’ai souffert de la part des démons de
nombreuses années ; si le Seigneur ne m’avait pas accordé de connaître le
Saint Esprit, si je n’avais pas eu le secours de la Très Sainte Mère de Dieu,
j’aurais désespéré de mon salut.
Longtemps je n’arrivais pas à comprendre ce qui
m’arrivait. Pourquoi donc les démons ont-ils pris cette habitude de venir vers
moi ? Longtemps mon âme fût dans ce combat. Une nuit, les démons vinrent à moi, remplissant ma
cellule. Je priais intensément. Le Seigneur les chassa, mais ils vinrent de
nouveau.
Alors je me levais pour faire des prosternations
devant les icônes, mais j’étais entouré de démons. L’un deux se tenait devant
moi de telle manière que je ne pouvais pas me prosterner devant les
icônes, sinon c’est devant lui que je me serai incliné. Alors je m’assis et dis « Seigneur, Tu vois que
je veux Te prier avec un esprit pur, mais les démons m’en empêchent. Dis-moi ce
que je dois faire pour qu’il s’écarte de moi ? ».
Et je reçus dans mon âme cette réponse du
Seigneur : « Les orgueilleux ont toujours à souffrir ainsi de la part
des démons ». Je dis : « Seigneur, Tu es
miséricordieux ; mon âme Te connaît ; dis-moi ce que je dois faire
pour que mon âme devienne humble ? ».
Et le Seigneur répondit : « Tiens ton esprit
en enfer, et ne désespère pas ». Depuis cette époque, je tiens mon esprit
en enfer et je brûle dans le feu ténébreux ; je désire le Seigneur, je le
cherche en pleurant te je dis : Bientôt je mourrais et j’irai séjourner
dans la sombre prison de l’enfer ; là, seul, je brûlerai et languirai
après le Seigneur, et je pleurerai : où es-Tu, mon Seigneur, Toi que mon
âme connaît ? ».
Et cette pensée m’a été d’une grande utilité : mon esprit s’est purifié et mon âme a trouvé le repos.
Un
moine expérimenté souffrait de la part des démons ; quand ils
l’attaquaient, il fuyait devant eux, mais ils le poursuivaient.
S’il
t’arrive quelque chose de semblable, n’aie pas peur et ne fuis pas, mais tiens
bon, courageusement ; humilie-toi et dis : « Seigneur, aie pitié
de moi qui suis un grand pécheur », et les démons disparaîtront. Mais si
tu prends lâchement la fuite, ils te poursuivront jusqu’à l’abîme. Souviens-toi
qu’à l’heure où les démons attaquent, le Seigneur, Lui aussi, te regarde pour
voir si tu places en Lui ton espoir.
Même
si tu vois Satan, qu’il te brûle de son feu et qu’il veuille captiver ton
esprit, ne crains pas mais espère fermement en Dieu et dis : « Je
suis pire que tous » et l’ennemi s’éloignera de toi.
Si
tu sens qu’un mauvais esprit agit en toi, même alors ne te laisse pas
intimider, mais confesse-toi bien, et de tout ton cœur demande un esprit humble
au Seigneur, et sans faute le Seigneur te l’accorderas. Alors, selon le degré
de ton humilité, tu ressentiras la grâce en toi ; lorsque ton âme sera
devenu tout à fait humble, tu trouveras la paix parfaite.
Et telle est la guerre que l’homme mène toute sa vie.
Par Archimandrite Sophrony
(Source : Starets Silouane - Vie et doctrine - écrits - Archimandrite Sophrony - Editions Présence - 1973)